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37e sommet de l’Union africaine : la crise du panafricanisme institutionnel

L’Union africaine (UA) est-elle obsolète ? Produit fini des pères fondateurs et héros des indépendances, la crise de l’UA (anciennement OUA), comme celle de la CEDEAO, est celle du panafricanisme institutionnel, aujourd’hui en déliquescence. Concurrencée par l’émergence de nouvelles organisations comme l’Alliance politique africaine (APA), l’UA connaitra-t-elle le même sort que la CEDEAO avec l’AES ?

Au lendemain des indépendances, les héros de la décolonisation, pour la plupart habités et mus par de profondes convictions panafricanistes, ont pris la tête de leurs pays respectifs, nouveaux acteurs de la scène politique globale en vertu de leur accès à la souveraineté internationale. Née en 1963, l’Organisation de l’unité africaine est l’objectivation et l’institutionnalisation d’un panafricanisme militant victorieux du colon et prêt à combattre toute forme d’impérialisme.

60 ans plus tard, force est de constater qu’à l’instar de la bête qui s’est émancipée de son créateur, l’organisation semble hors sol, loin des réalités concrètes des populations qu’elle était appelée à défendre, et dirigée par des logiques propres à son fonctionnement. Opaque, poreux aux intérêts de puissances, multinationales et lobbys sans cesse plus avides d’influence et de marchés sur le continent africain et principaux bailleurs de fonds de l’UA, ce dernier échappe souvent à toute rationalité panafricaine. Au point où les peuples, lassés de l’apathie comme de la lourdeur de l’UA doutent, non seulement de sa capacité, mais aussi de sa bonne foi, dans la défense de leurs intérêts.

Le renouveau du panafricanisme institutionnel

La lente déliquescence de l’UA évoque celle de la CEDEAO, aujourd’hui amputée de 3 de ses membres fondateurs. Malgré les postures, notamment affichées lors de la rencontre ministérielle extraordinaire du Conseil de médiation et de sécurité, l’organisation devrait abandonner sa raideur à l’égard des pays l’Alliance des États du Sahel (AES). Le sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEDEAO annoncé pour le 24 février prochain, devrait même être le cadre de la levée les sanctions votées contre Niamey au lendemain de la prise de pouvoir du CNSP. Un rameau d’olivier tendu aux pays de l’AES. Toutefois, en dépit des appels du pieds, pour le moins maladroits, d’Abuja, Mali, Burkina Faso et Niger campent sur leurs positions et accélèrent même le processus d’intégration au sein de l’AES. À cet égard, dans le secteur énergétique à l’issue d’une réunion des ministres de l’Énergie de l’Alliance tenue le 17 février, le Niger s’est engagé à fournir du gasoil à plusieurs pays voisins, notamment le Tchad, le Burkina Faso et le Mali, afin qu’ils puissent combler leurs besoins.

À l’image de la CEDEAO sur laquelle s’appuie l’UA, aux côtés des autres organisations sous-régionales pour avancer ses projets d’intégration, le panafricanisme institutionnel a perdu son âme et se voit concurrencé par l’émergence de nouvelles organisations. D’abord informelles, comme l’AES, finissent par s’institutionnaliser. Lancée en mai 2023 à Lomé, l’Alliance politique africaine (APA) pourrait emprunter la même trajectoire. Avec pour objectif d’« œuvrer pour une Afrique décomplexée, politiquement forte, non-alignée, indépendante et agissant de façon souveraine sur la scène internationale », l’APA qui se veut un cadre informel d’échange mais aussi de prise de décision, est un désaveu pour les institutions sous-régionales et l’Union africaine (UA) et de facto une plateforme continentale de diplomatie alternative.

Un nouveau sommet sur fond de crises sécuritaires

Lors de ce dernier sommet, l’UA s’est faite entendre sur le dossier du Proche-Orient avec une condamnation de la riposte israélienne à Gaza, l’État hébreu étant accusé de « tuer pour tuer ». Mais d’aucuns déplorent que la même fermeté n’ait été employée à l’égard des crises sécuritaires et politiques sur le continent africain où l’UA n’apparait que pour condamner lorsqu’une crise sociopolitique, pourtant latente, provoque une rupture avec « l’ordre constitutionnel ». L’organisation déroge ainsi à son rôle d’accompagnement et de prise en charge des contextes crisogènes en amont des bouleversements dont ils finissent par accoucher. Coupable de négligence et d’apathie, elle semble ne se réveiller que lorsque le mal est fait. Six pays (Gabon, Guinée, Soudan, et les trois États de l’AES) en sont exclus. « Si l’on prend la voix militaire plutôt que politique, la suspension est la sanction numéro un pour les changements anticonstitutionnels. C’est pourquoi le Conseil de paix et de sécurité a appliqué une suspension à six reprises : le Soudan, le Gabon, le Niger, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Parce qu’ils ont bafoué les valeurs et les principes fondamentaux de l’Union africaine en matière de démocratie au sein de l’UA », déclare le Commissaire des affaires politiques du Conseil paix et sécurité de l’Union africaine.

Aux condamnations d’usage, s’ajoute le lexique complémentaire d’un totémisme électoral. L’UA réitère ainsi l’injonction faite aux pays sous transition militaire de convoquer des élections démocratiques. Quant aux défis sécuritaires posés par des insurrections diverses au Sahel ou en République démocratique du Congo, l’organisation souhaite accélérer l’opérationnalisation de sa Force africaine en attente (FFA). Autant de dossiers transmis à Mohamed Ould Ghazouani, président mauritanien et désormais président en exercice de l’UA.

Teria News

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