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Faustin-Archange Touadéra chez Emmanuel Macron

Le président centrafricain se rend à l’Élysée ce mercredi pour sa deuxième visite en France en moins d’un an. Après la rupture avec Paris et l’arrivée de Wagner, Faustin-Archange Touadéra souhaite une « consolidation des relations avec la France » tout en hébergeant la première base militaire russe en Afrique. La Centrafrique à l’école du multi-alignement ?

Longtemps reconnue comme une emprise française en Afrique centrale et un cas d’école des mécanismes de la Françafrique, la Centrafrique s’est détournée de son partenaire historique pour opérer un pivot stratégique en 2018. Devant les difficultés posées par le Conseil de sécurité, bloqué par Paris, Londes et Washington, pour lever l’embargo onusien sur les armes décrété contre le pays depuis 2013, l’empêchant ainsi de se défendre contre la kyrielle de groupes rebelles qui contrôlaient alors une majorité de son territoire national, la Centrafrique s’était rapprochée de la Russie qui, non seulement a accepté de lui vendre des armes, mais lui a également, via le groupe paramilitaire Wagner, fourni instructeurs et contingents de mercenaires.

À quel prix ? Trop élevé à en croire plusieurs déclarations de Faustin-Archange Touadéra et de son entourage. Le partenariat avec Wagner, aujourd’hui « Africa Corps », se serait avéré coûteux. Principalement en termes de violation des droits humains et d’accès aux ressources minières du pays, mais également sur le plan géopolitique où les liens de Bangui avec Moscou et la milice Wagner lui ont valu d’être combattu dans les fora internationaux.  

L’axe Bangui-Moscou, toujours solide

Le jeu d’alliance engagé par le président centrafricain peut décontenancer par la nature abrupte et, en apparence, contradictoire de certains rapprochements. Après avoir reconquis 90% de son territoire, Faustin-Archange Touadéra a pris ses distances Wagner tout en maintenant son amitié au Kremlin, en s’abstenant notamment lors du vote d’une résolution condamnant l’opération militaire russe en Ukraine à l’Assemblée générale de l’ONU en mars 2022.

Mais la solidité du partenariat Bangui-Moscou se jauge peut-être surtout à l’accueil par la Centrafrique de la première base militaire russe en Afrique. « La base militaire [russe, ndlr] sera construite. Nous avons beaucoup de Russes ici. Il est nécessaire de leur fournir une base », a pour sa part déclaré Pascal Bida Koyagbele. Le conseiller principal du président centrafricain a cependant ajouté que « l’emplacement exact de la base reste top secret » et que le gouvernement « est encore en train d’analyser plusieurs sites ». Depuis plusieurs années, Moscou est en quête d’un territoire où construire sa première base militaire africaine. Un projet qui a subi un revers avec la chute d’Omar El-Béchir en 2019 alors que l’ancien président soudanais et Vladimir Poutine avaient, en 2017, signé un accord visant à installer une base navale russe à Port-Soudan. Les ambitions russes ont ainsi été percutées par le changement de régime à Khartoum et le rapprochement des acteurs de la Transition avec les États-Unis.

La Centrafrique, à l’école du multi-alignement 

Tout en renforçant son partenariat avec Moscou, Faustin-Archange Touadéra œuvre pour un dégel des relations avec l’Ouest, principalement les États-Unis et la France, après des années de brouille diplomatique. Les premiers, envers qui il s’est engagé à contrebalancer l’influence de Wagner en accueillant Bancroft Global Development, une société paramilitaire américaine. La seconde, où il effectue ce 17 avril, sa deuxième visite en moins d’un an. En septembre 2023 déjà, le président centrafricain avait plaidé en faveur d’une « consolidation des relations avec la France ».

La politique étrangère centrafricaine s’inscrit dans une stratégie de multi-alignement. Bangui va désormais à l’école de l’Inde ou de l’Arabie Saoudite sur la scène globale, du Togo sur le continent, et épouse une stratégie d’alignement multi-vectoriel. Un nouveau paradigme des relations internationales qui s’émancipe d’une lecture binaire des rapports de force pour définir une diplomatie à la carte, obéissant strictement à la défense des intérêts nationaux des États loin de toute logique de bloc, d’alignement aveugle, comme de rivalité totale. En somme : « parler à tout le monde et n’être l’ennemi de personne ». Le risque principal reste toutefois, un mélange des genres, potentiellement à même d’éroder la crédibilité du pays.

Teria News

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