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« Civilisations Noires » : L’Empire du Mali (IV), la Charte du Mandé

Œuvre de l’Empereur Soundjata Keita, la Charte du Mandé est la première déclaration des Droits de l’Homme dans l’histoire. Proclamée en 1236, soit plusieurs siècles avant les déclarations des Droits de l’Homme des grandes démocraties occidentales, voici l’histoire d’une des plus anciennes Constitution au monde.

La Charte du Mandé ou du Manden ou Donsolu Kalikan, est proclamée oralement au XIIIe siècle à l’issue d’une importante victoire militaire, la bataille de Krina, remportée par Soundjata Keita (1190 à 1255), le fondateur de l’Empire du Mali à Kouroukan Fouga. La « Charte du Mandén nouveau » fut proclamée en 1236, lors du sacre de Soundjata Keita comme Empereur du Mali devant ses plus fidèles officiers supérieurs. La structure comme le contenu de la Charte nous sont parvenus à travers les récit oraux de griots. On retrouve des traces de la Charte du Mandé dans la littérature, notamment dans Sunjata ou l’épopée mandingue, biographie du fondateur de l’Empereur mandingue traduite en français par Mamadou Kouyate.

La Charte du Mandé, une Constitution à la structure moderne

Transmise selon une tradition orale, la Charte du Mandé est une Constitution coutumière comme celle du Royaume-Uni, soit un ensemble de règles relatives à l’organisation du pouvoir qui n’existent pas sous forme écrite, même si certains documents peuvent en servir de base. Comme une Constitution moderne, la Charte du Mandé comporte un préambule et plusieurs chapitres rassemblant des Droits fondamentaux universels, quatre siècles avant l’humanisme du mouvement philosophique, littéraire et intellectuel des Lumières et plusieurs siècles avant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou la Déclaration des droits américaine.

La Charte se transmet de génération en génération chez les Malinkés. Il en existe deux versions : l’une datée de 1222 et comportant sept chapitres, l’autre, de 1236 et comprenant quarante-quatre articles, rassemblés grâce au travail réalisé auprès de griots de la « Confrérie des chasseurs », dépositaires de la Charte.

La Charte du Mandé proclame plusieurs valeurs. Parmi elles, l’attachement à la paix sociale dans le respect de la diversité, la dignité de l’Homme et à cet égard aboli l’esclavage, au droit à la vie, à l’égalité, la non-discrimination, l’éducation, la patrie, la liberté d’expression et d’entreprise, au droit à une justice impartiale, à la responsabilité individuelle ou encore au libre arbitre.

Première déclaration des Droits de l’Homme

Dans son Préambule, la Charte du Mandé proclame : « Le Manden fut fondé sur l’entente et l’amour, la liberté et la fraternité. Cela signifie qu’il ne saurait y avoir de discrimination ethnique ni raciale au Manden. Tel fut le sens de notre combat. Par conséquent, les enfants de Sanenè et Kòntròn font, à l’adresse des douze parties du monde et au nom du Manden tout entier, la proclamation suivante ».

La Constitution de l’Empire du Mali proclame encore des principes fondamentaux. Concernant la sacralité de la vie humaine : « Une vie est une vie » ; « Une vie n’est pas plus ancienne ni plus respectable qu’une autre vie, de même qu’une autre vie n’est pas supérieure à une autre vie » ; « Que nul ne s’en prenne gratuitement à son voisin, que nul ne cause du tort à son prochain, que nul ne martyrise son semblable ». La Charte énonce également des principes de liberté, justice, paix, fraternité et aboli l’esclavage : « Le tort demande réparation » ; « Pratique l’entraide » ; « La faim n’est pas une bonne chose, l’esclavage n’est pas non plus une bonne chose » ; « La guerre ne détruira plus jamais de village pour y prélever des esclaves ; c’est dire que nul ne placera désormais le mors dans la bouche de son semblable pour aller le vendre ; personne ne sera non plus battu au Mandé, a fortiori mis à mort, parce qu’il est fils d’esclave » ; « L’essence de l’esclavage est éteinte ce jour » ; « D’un mur à l’autre » du Manden « Chacun est libre de ses actes, dans le respect des interdits des lois de sa patrie ».

La tradition de transmission orale de la Charte du Mandé ne s’est pas éteinte avec l’Empire du Mali. Aujourd’hui encore, ses principes sont honorés à travers des cérémonies annuelles qui commémorent le rassemblement historique de Kouroukan Fouga, dans le village de Kangaba (contigu à la vaste clairière Kouroukan Fouga au Mali, près de la frontière avec la Guinée). Cette tradition est portée autant par les chefs traditionnels que par les autorités locales.  

La Constitution du Manden est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité par l’UNESCO en 2009. Le 16 mars 2011, la Charte de Mandé a été classée au patrimoine culturel national du Mali. Ces reconnaissances reconnaissent au document une valeur juridique et une portée universelle. Enfin, la Charte du Mandé réfute la thèse raciste de l’infériorité intellectuelle et morale des peuples Africains.

Teria News

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Un commentaire

  1. Une grandeur d’âme qui ennoblit l’homme à travers le malinké. Le monde sera sauvé quand la Sagesse triomphera de la bassesse qui a renversé les fondements.
    Respectueusement Rigobert Coffi AMEGAN.

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