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Tchad : « Je voudrais aider la France, elle-même à regagner sa dignité », Succès Masra

« Je voudrais aider la France, elle-même à regagner sa dignité », Succès Masra à propos de la présence militaire française au Sahel. À moins de trois semaines de la présidentielle qui l’opposera à Mahamat Idriss Déby, le Premier ministre tchadien entend être un « solide partenaire sûr avec lequel la France peut travailler ».

Alors que le Tchad demeure le dernier bastion de la présence militaire française au Sahel après les retraits contraints du Mali, Burkina Faso et Niger par les nouvelles autorités militaires de ces États respectifs, le Premier ministre tchadien, candidat à la présidentielle 6 mai prochain, envoie un message rassurant au partenaire hexagonal.

Dans un entretien accordé à France 24 et RFI, Succès Masra livre sa vision des relations futures entre le Tchad, qu’il aspire à diriger, et la France. Plus encore, il esquisse des pistes d’évolution et de modernisation de cette relation, pour la faire pleinement « entrer dans le XXIe siècle ». En somme, face aux mouvements de la société civile réclamant le départ des troupes françaises du Tchad, le chef du parti les Transformateurs promet le changement dans la continuité. De 5.100 hommes au plus fort de l’opération Barkhane au Sahel, la France n’en dispose plus que de 1.000, essentiellement issus de l’opération antiterroriste française au Sahel dont N’Djamena accueillait le poste de commandement interarmées des opérations.

Réformer le partenariat avec la France tout en le consolidant

« Je voudrais aider la France, elle-même à regagner sa dignité. Ça me fait de la peine que les forces de défense et de sécurité françaises aient l’impression d’être devenues des SDF sur le continent africain. On pourrait éviter à la France cette image où on conseille à un chef des armées français : ‘déménagez d’ici, allez dans ce pays, c’est sécurisé’ et puis, deux mois plus tard : ‘Ben ce n’est pas sécure dans ce pays’ »

Succès Masra, Premier ministre tchadien

Le Tchad constitue le plus ancien dispositif militaire français en Afrique, datant de l’opération Épervier, installée en 1986. Succès Masra envisage une évolution du partenariat sécuritaire historique entre Paris et N’Djamena pour le faire entrer dans une nouvelle ère. « Je souhaite être à la tête d’un État ‘Tchad’, solide partenaire sûr avec lequel la France peut travailler et dans ce partenariat sûr que j’entends développer, il y a des choses qui relèvent du siècle passé. Je crois que l’approche française aujourd’hui est appelée à évoluer là-dessus. Est-ce que maintenir de manière durable ad vitam aeternam des troupes étrangères sur un sol est quelque chose de défendable ? On peut être au même niveau d’efficacité et peut-être faire différemment, mutualiser les forces, avoir des écoles de guerre communes, partager les renseignements, avoir des approches de formation rapides, séquencées, sur un temps court, mutualiser nos énergies. Ça, ce sont des pistes que nous n’avons pas suffisamment explorées. », explique celui qui souhaite « dépoussiérer les partenariats du XXIe siècle des éléments qui ne l’ont pas amené à rentrer totalement dans le XXIe siècle ».

Un match amical avec Mahamat Idriss Déby ?

« Je demande 5 ans aux Tchadiens pour mettre fin à 60 ans d’obscurité », déclare le Premier ministre tchadien qui estime être en meilleure condition que précédemment pour remporter le scrutin. Si le président Idriss Deby en 2021 avait craint une confrontation avec lui, en introduisant une close d’exclusion taillée sur mesure (40 ans), ses chances de l’emporter sont aujourd’hui décuplées, explique-t-il jusqu’à s’attendre à une victoire au premier tour.

Toutefois, l’accord de Kinshasa, deal politique médié par le président Félix Tshisekedi et les parrains occidentaux du régime tchadien, a entamé le crédit politique de Succès Masra. Nombreux sont les membres de l’opposition à lui tenir rancœur pour son revirement de position. En effet, après avoir incarné l’opposition radicale à Déby père, puis fils, à la tête du parti « Les Transformateurs » et malgré le bilan macabre de la répression du 20 octobre 2022 ou « jeudi noir », qui a fait entre 73 et 300 victimes, dont une majorité de ses partisans, alors lancés dans les rues par le chef de parti pour contester la prolongation de la période de Transition et le maintien de Mahamat Idriss Déby au pouvoir, Succès Masra a accepté d’entrer à la primature.

Ses détracteurs dénoncent également un deal secret au sein de l’exécutif bicéphale au sommet de l’État tchadien, notamment après l’assassinat à bout portant de Yaya Dillo. En vertu de ce pacte, la présidentielle du 6 mai prochain ne serait qu’un match amical dans lequel Succès Masra servirait de faire-valoir à Mahamat Idriss Déby en orchestrant un pluralisme artificiel afin de légitimer une victoire du président de Transition sortant. La contrepartie pour Succès Masra serait alors son maintien à la primature par Mahamat Déby.   

Teria News

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