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Le Mali frappé de plein fouet par la CEDEAO

La CEDEAO oppose une fin de non-recevoir au Mali et abat le couperet de ses sanctions sur Bamako. L’État malien est privé de ses réserves à la BCEAO et voit notamment ses frontières avec les États membres fermées. L’Afrique de l’Ouest fait face à une crise institutionnelle majeure.

La Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest et le Mali radicalisent leurs positions et s’enfoncent dans un dialogue de sourds. Réunis en sommet extraordinaire à Accra ce dimanche 9 janvier, les États membres ont vivement signifié leur rejet du chronogramme transmis par Bamako le 31 décembre dernier détaillant une prorogation de la durée de Transition de cinq ans, depuis raccourcie à quatre années. « Inacceptable », a jugé l’organisation.

Une fin de non-recevoir qui se traduit par de lourdes sanctions économiques. Ainsi, la CEDEAO a procédé au gel des avoirs du Mali stockés à la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), à la coupure des aides financières accordées à Bamako, à la fermeture des frontières entre le Mali et les États membres de l’organisation, à la suspension des transactions avec le Mali, hormis les produits médicaux et de première nécessité et au rappel de tous les ambassadeurs de ses pays membres.

« Ces sanctions seront appliquées immédiatement. Elles seront progressivement levées uniquement après l’obtention d’un chronogramme satisfaisant soit finalisé », précise la CEDEAO dans un communiqué. L’organisation y regrette de plus « le manque de volonté politique des autorités de transition, qui a conduit à l’absence de progrès tangible dans la préparation aux élections. »

Un chronogramme polémique

En réponse à une Transition cumulée de 6 ans et 6 mois, plusieurs partis politiques et organisations de la société civile maliens ont estimé que le chronogramme de Bamako « viole la Charte de la transition […] et ne saurait être en aucun cas une aspiration profonde au peuple malien. »  

Samedi, en prélude au sommet de la CEDEAO, pro et anti régime se sont exprimés dans les rues de Bamako. Si les premiers, désillusionnés par les mandats électifs démocratiques sans impact sur le bien-être des populations et au nom de la situation sécuritaire, appuient le pouvoir d’Assimi Goïta, les derniers questionnent sa légitimité à se maintenir au pouvoir après l’avoir pris par la force et ont appelé à prévenir de nouvelles sanctions qui affecteraient directement le peuple malien.

Globalement, la CEDEAO n’a fait que confirmer les sanctions prises quelques heures plus tôt par l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), elle aussi réunie en sommet. « La prorogation de la durée de la transition à cinq ans préoccupe l’ensemble de la région ouest- africaine », y avait déclaré dans son discours d’ouverture le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré qui a par ailleurs affirmé sa « conviction que toutes les réformes politiques, économiques et sociales visant la refondation du Mali ne pourraient être conduites que par des autorités démocratiquement élues. »  

Les positions tranchées du Mali et de la CEDEAO révèlent l’impasse institutionnelle dans laquelle se trouvent les pays de la sous-région tiraillés entre d’une part, l’ineffectivité d’une certaine acception de la démocratie à résoudre les problèmes de développement, corruption ou plus récemment d’insécurité, et de l’autre, par une hésitation entre inventer un modèle démocratique local ou abandonner ce qui est parfois perçu comme un héritage néocolonial. À ce profond malaise s’ajoute la perte de légitimité de la CEDEAO laquelle, en dépit du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté à Dakar en 2001, a échoué à effectuer sa transition vers une CEDEAO des peuples et se meurt dans la défense d’un syndicat de chefs d’État avalisant les putschs, à condition qu’ils soient constitutionnels…

En attendant, la Guinée de Mamady Doumbouya, toujours réticente à fixer une durée à la Transition provoquée par le coup d’État du 5 septembre 2021, bénéficie d’une relative clémence.

Teria News

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