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Kenya : William Ruto retire le projet de loi de la discorde

Dos au mur, William Ruto fait marche arrière. Sous la pression de la rue, le président kenyan renonce au projet de loi visant à augmenter les taxes. Une victoire sociale, au prix d’au moins 22 morts, emportés par une violente répression de la police et de l’armée.

Il n’aura pas gagné son bras de fer avec la rue. Le premier test social d’ampleur de William Ruto pourrait laisser une marque sur la suite de sa gouvernance. Et pour cause, la rupture semble consommée avec une jeunesse qui l’avait pourtant porté au pouvoir il a y deux ans, séduite par ses promesses de pouvoir d’achat. Si le président kenyan a, mardi 25 juin, parlé de son sentiment de « trahison » devant la grogne sociale exprimée par son électorat, c’est d’abord ce dernier qui s’est, dans un premier temps, senti trahi par celui qui promettait de soulager leurs portefeuilles.

Manque de pédagogie ? Accroissement trop brutal ? Que ce soit sur le fond, soit l’augmentation des taxes et frais sur divers produits et services quotidiens comme les importations d’œufs, les serviettes hygiéniques ou encore les transferts bancaires, ou sur la forme, dénoncée comme brusque, le projet de loi de finance est resté au travers de la gorge de manifestants qui ont battu les pavés de Nairobi et des principaux centres urbains du Kenya ces derniers jours. Mardi, une partie du Parlement, envahi par des manifestants tentant d’empêcher le vote à l’agenda de la session du jour, a été brûlé.

Un 180 degrés en l’espace 20h00

« Le peuple a parlé […] Après avoir écouté attentivement le peuple kényan, qui a dit haut et fort qu’il ne voulait rien avoir à faire avec ce projet de loi de finances 2024, je m’incline et je ne promulguerai pas le projet de loi de finances 2024, qui sera par conséquent retiré », a fini par concéder Ruto, mercredi 26 juin, en renonçant à promulguer la loi de la discorde votée la veille par le Parlement.

Mardi encore, lors de son allocution télévisée, William Ruto maintenait une posture de fermeté à l’égard des protestataires. Malgré l’escalade de violence entre les forces de sécurité d’une part, et les manifestants de l’autre, le président kenyan exprimait sa détermination à réprimer les troubles « à tout prix ». Huit jours de grogne auront coûté la vie à au moins 22 personnes, selon un l’organisme officiel de défense des droits de l’Homme. Un bilan alourdi par le déploiement de l’armée dans les rues, mardi. La même source dénombre 300 blessés et de nombreuses arrestations. Société civile dénonce également des enlèvements.

Le dilemme de la dette publique

« Puisque nous nous sommes débarrassés du projet de loi de finances 2024, il est nécessaire d’avoir une conversation en tant que nation à l’avenir. […] Comment gérer ensemble notre situation d’endettement ? […] Je proposerai un engagement avec les jeunes de notre nation, nos fils et nos filles », a poursuivi le président kenyan.

Le projet de loi de finance contesté avait pour objectif de renflouer les caisses de l’État pour rembourser une dette publique qui s’élève à 70% du PIB. Mais la hausse d’impôts votée avait également pour conséquence d’alourdir le fardeau des foyers et la poche des jeunes dans un contexte de crise économique. Notons qu’un an plus tôt, le gouvernement avait déjà augmenté la pression fiscale, notamment avec un accroissement de l’impôt sur le revenu, les cotisations de santé et le doublement de la TVA sur l’essence.

En attendant les conclusions du dialogue appelé de ses vœux par William Ruto, la séquence sociale de ces derniers jours vient ternir une séquence politico-diplomatique avantageuse pour le président kenyan, reçu par Joe Biden il y a un mois. Sous-traitant la sécurité de Haïti au Kenya, dont un premier contingent de 400 policiers vient de rejoindre le pays des Caraïbes, les États-Unis ont déclaré Nairobi un allié sûr « hors OTAN » de Washington. Un statut privilégié qui n’a pas empêché la Maison Blanche, aux côtés de l’Union africaine ou de l’ONU, d’exprimer leur « profonde préoccupation » face aux images de violences urbaines.

Teria News

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