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France : le coup de poker d’Emmanuel Macron suite à la victoire électorale du RN

Après la razzia du Rassemblement national (RN) aux européennes dimanche 9 juin, Emmanuel Macron dissout l’Assemblée nationale. Un calcul politique risqué mais dicté par l’horizon de la présidentielle de 2027. Objectif : démonétiser le RN et sauver son héritage politique.

Perdu pour perdu, l’Elysée prend le risque d’une seconde gifle électorale. Le coup de poker d’Emmanuel Macron est en réalité un pari à moyen terme. Avec 31.4% des suffrages contre à peine 14.6 pour Renaissance, la victoire écrasante du Rassemblement national (RN) entame, une fois de plus, la légitimité de l’action législative d’une majorité présidentielle relative. Bien que le chef d’État français n’ait eu aucun scrupule à la conduire en appuyant le recours de ses Premiers ministres au 49.3, l’exercice en lui-même institutionnellement périlleux, a atteint à sa limite politique. Face à l’évidence d’une impossibilité à gouverner avec une majorité relative fragilisée par une opposition, elle, galvanisée par sa percée électorale, Emmanuel Macron prend l’option de potentiellement sacrifier le temps politique court des trois prochaines années de son dernier quinquennat pour tenter de sauver son héritage politique sur le temps long.

Exposer l’inconséquence du Rassemblement national

Avec son score de dimanche, le Rassemblement national envoie la plus grande délégation nationale d’extrême droite de l’histoire du Parlement européen. Si dissoudre l’Assemblée nationale c’est le risque de voir le RN, dont il s’était pourtant engagé à casser la dynamique, accéder à Matignon, il s’agit également de tendre un piège à une formation politique dont l’attrait repose essentiellement sur la subversion. Valeur refuge de la colère, en faire un parti de gouvernement vise à le démonétiser auprès du corps électoral, en confrontant ses thèses à la réalité de l’exercice du pouvoir pour mieux révéler leur inadéquation ainsi que l’incompétence de ses dirigeants. Emmanuel Macron pousserait ainsi le RN à la faute. En conséquence, un échec lors des prochaines législatives et une cohabitation avec l’extrême droite, affaiblirait le président français sur le court terme mais épargnerait son héritage politique en sabotant la possibilité du RN à remporter l’élection présidentielle en 2027.

À l’opposé, en cas de victoire qui serait, non pas automatiquement celle d’un élargissement de la majorité présidentielle, mais plutôt celle d’une fragilisation du camp RN, Emmanuel Macron réduirait également la voilure de l’extrême droite sur le plan national dans la perspective de 2027.

Le message de l’Europe au Sud et à l’Afrique

Avec la percée des partis d’extrême droite, l’Europe offre paradoxalement le spectacle d’un raidissement national. Aux politiques protectionnistes et de replis identitaires qu’il augure, les États du Sud, et plus particulièrement africains, doivent offrir une réponse qui ouvre un cadre plus serein aux relations internationales, à même de les prémunir de l’humiliation d’un peuple par un autre, une bombe à retardement dans l’histoire des nations. Instinctive et à la tangibilité irréfutable, la réciprocité se distingue comme une base solide.

Régulièrement mentionnée mais jusqu’ici non-solutionnée malgré les engagements à la fluidification des procédures, de leur coût et de la rationalisation du ratio refus/acceptations, la politique des visas reste une pomme de discorde et un vecteur d’humiliation dans les rapports Nord/Sud. En réimposant une obligation de visa aux citoyens des pays qui n’appliquent pas la réciprocité, la Namibie donne un exemple au continent. Ainsi, une diplomatie souverainiste semble la seule réponse possible, à même d’imposer le respect et garantir les droits des ressortissants du Sud, qu’ils résident dans leur pays ou qu’ils appartiennent à une communauté diasporique.

Les élections européennes doivent également être interprétées comme une respiration démocratique, l’exutoire de tous les mécontentements accumulés par le corps électoral à l’échelle nationale, d’autant plus lorsqu’ils qu’ils ne trouvent pas d’autres canaux constitutionnels pour s’exprimer. Il serait ainsi piégeux de voir en la percée des extrêmes droites le seul rejet de l’immigration. Ces votes sanction sont également, et peut-être surtout, l’expression d’une révolte sociale face à ce qui apparait aux yeux des électeurs comme un consensus, une endogamie gauche-droite (en France la fameuse UM-PS matérialisée par « En Marche » d’Emmanuel Macron), en faveur d’un système qui oppresse les plus vulnérables et reproduit les élites. Les extrêmes droites semblent alors le seul moyen de battre le système à son propre jeu pour imposer le changement que les partis dits républicains et de gouvernement à l’offre politique poussiéreuse peinent à générer. En outre, la percée du RN acte l’échec du pari Gabriel Attal comme un simple coup de communication. Il est retombé tel un soufflé.

Teria News

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