Pour réduire leur dépendance au dollar, Brésil, Argentine et Venezuela mettent en commun leurs forces pour la création d’une monnaie commune latino-américaine. Potentiellement, la 2e union monétaire après la zone euro et devant la zone franc CFA. Une alliance contre l’impérialisme américain.
Il est d’ores et déjà manifeste que le troisième mandat de Luiz Inácio Lula da Silva ne sera pas de tout repos. Pendant qu’il continue d’éteindre l’incendie allumé par la tentative d’insurrection fasciste perpétrée, il y a deux semaines, par les partisans déchainés de son prédécesseur, le président brésilien tente de construire une alliance entre les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Le projet était au cœur de sa visite en Argentine, lundi 23 janvier, pour participer au sommet de la Communauté d’Amérique latine et des États caribéens (Celac), un forum, parmi d’autres sommets de coopération régionale, boudé par Jaïr Bolsonaro.
Lula hanté par un vieux rêve
En mettant à l’agenda ce projet de création d’une monnaie commune à l’Amérique latine et aux Caraïbes, Lula ressuscite en réalité un vieux rêve. Il y a 20 ans déjà, le président brésilien avait jeté ses forces dans la bataille pour sa réalisation, mais sans succès.
Pourquoi maintenant ? Afin de tirer profit de l’alignement idéologique entre Alberto Fernandez et Luiz Inácio Lula da Silva. Amis, les deux présidents de gauche entretiennent des rapports cordiaux depuis longtemps. Mais au-delà de la complicité de Lula avec son homologue argentin, cette monnaie est avant tout appelée à sceller l’alliance des deux principales économies d’Amérique du Sud qui, à elles seules, représentent 5% du PIB mondial.
Toutefois, le « Sur » (Sud en espagnol), nom que pourrait adopter la devise, n’a pas vocation à être une monnaie unique. Du moins dans un premier temps. S’ajoutant au panier de devises latino-américaines, l’usage de cette monnaie commune sera d’abord réservé aux échanges financiers et commerciaux afin de « réduire les coûts de fonctionnement et [la] vulnérabilité extérieure » des pays qui l’adoptent. En d’autres termes, il est question de réduire à termes, la dépendance des pays d’Amérique latine et des Caraïbes au dollar américain dans une ère géographique victime de la doctrine Monroe, consacrant son statut de cour arrière des États-Unis.
Une alliance contre l’impérialisme américain
« Aujourd’hui, le président Lula Da Silva et le président Alberto Fernandez ont annoncé qu’ils entreprendront des actions communes pour la mise en place d’une monnaie commune pour l’Amérique latine. Moi, j’annonce que le Venezuela est prêt à les suivre et que nous soutenons cette initiative de création d’une devise de l’Amérique latine et des Caraïbes. »
Avec l’intérêt porté au projet par Caracas, ce dernier prend une toute autre tournure. Ouvertement opposé à la politique étrangère des États-Unis depuis son prédécesseur Hugo Chavez et malgré le dégel des relations avec Washington à la faveur de la crise énergétique mondiale qui a vu les réserves de son pays être à nouveau convoitées par les puissances occidentales lesquelles, l’avaient pourtant placé sur liste rouge après un scrutin présidentiel contesté, l’entrée en jeu du Venezuela de Nicolas Maduro fait de ce projet une alliance contre l’impérialisme américain.
S’il aboutit, dans sa phase pilote puis finale, le projet couvrirait 260 millions de consommateurs, faisant de cette union monétaire la deuxième au monde après la zone euro et devant la zone franc CFA. Toutefois, le défi est à la mesure des ambitions du binôme Argentine-Brésil qui devra vaincre plusieurs obstacles dont la situation économique de Buenos Aires, assommée par une inflation de 95%. « Ne créons pas de faux espoirs… C’est le premier pas d’un long chemin », a averti le ministre argentin de l’Économie. En comparaison, les 40 ans de gestation de l’euro laissent en effet espérer en dénouement positif.
Teria News