Chronique

La France s’entête dans un déni de réalité en Afrique

Avec « 1.000 ou 2.000 francs […] il suffit parfois d’un sandwich ou d’un Coca-Cola » pour mettre les Africains dans la rue contre la présence militaire française, affirme l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Des propos méprisants pour l’Afrique et symptomatiques d’un déni de réalité français.

« Vous savez, avec 1.000 ou 2.000 francs CFA, on peut faire beaucoup… il suffit parfois d’un sandwich ou d’un Coca-Cola et vous avez 2.000 manifestants dans la rue », a déclaré l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Invité d’un plateau de télévision sur le thème « Bamako-Paris, divorce consommé », Jean-Christophe Belliard s’exprimait alors sur le rejet de la présence militaire française sur le continent, et plus particulièrement, sur le blocage d’un convoi français à Kaya en novembre 2021 et la démonstration de force du peuple malien en rejet aux sanctions de la CEDEAO le 14 janvier dernier. Si de tels comportements sont avérés en Afrique, en particuler lors des campagnes électorales, les mots de Jean-Christophe Belliard sont à côté de la plaque dans le contexte évoqué.

Insultants pour les peuples africains, les propos de l’ambassadeur laissent transpirer un profond mépris pour les masses africaines dont les engagements seraient selon lui, uniquement motivés par des miettes jetées ci et là par des agitateurs d’opinion. Enfermer les population dans un déterminisme socio-économique et leur refuser la capacité à comprendre d’elles-mêmes les enjeux géopolitiques qui sous-tendent la présence militaire française en Afrique de l’Ouest, est l’expression d’un double dédain.

« C’est la faute à Wagner ! »

« Il y a très probablement une instrumentalisation » derrière les manifestations populaires, « la manipulation fait partie aujourd’hui des relations internationales », a poursuivi l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Avec cette analyse, Jean-Christophe Belliard n’a fait que réciter le catéchisme du Quai d’Orsay sur les sources des frustrations exprimées par les populations locales. Le rival russe est le coupable tout désigné d’une déconfiture pourtant toute française, Moscou n’ayant fait que combler le vide créé par les erreurs de Paris.

Pour la France, le groupe paramilitaire russe Wagner, dont les autorités maliennes continuent pourtant de démentir la présence sur leur territoire, et les cellules de communication russes, sont à la base du rejet populaire qu’essuie la France au Sahel.

Ainsi, au lieu de faire son autocritique, la France fait l’autruche. Ancrée dans le logiciel de la diplomatie française, laquelle, au sortir de la Seconde guerre mondiale accusait déjà Britanniques, Russes et Américains de vouloir ébranler son empire colonial en voie d’émiettement, cette incapacité à se remettre en question a gagné la tête de l’État français. En effet, bien que contraint par le gouvernement malien et par sa propre opinion publique de quitter le Mali après 9 ans de présence militaire sans résultats ni honneur, Emmanuel Macron « récuse complètement » toute idée d’échec de la politique française en Afrique. Rien d’étonnant de la part du président qui a ventilé la notion de « sentiment anti français », évoquée comme s’il s’agissait d’une hostilité gratuite contre l’Hexagone.

La réaction de l’ambassade de France à Bangui aux accusations de tentative d’assassinat contre le président Touadéra ayant foisonné sur la toile immédiatement après l’arrestation de militaires français, signe encore un déni français. Aujourd’hui accessibles à tous, les révélations sur les barbouzeries et autres opérations de déstabilisation entreprises par Paris sur le continent africain sont de notoriété publique. Avertis, les peuples n’ont pas besoin que la Russie leur dise ce qu’il faut penser.

D’autant que, sans chercher trop loin, il n’y a qu’à s’arrêter sur les mots choisis par l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Ils sont, à eux-seuls, révélateurs de la condescendance de Paris envers l’Afrique.

Teria News

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