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De la terre éthiopienne Mike Pompeo tance l’Afrique du Sud sur son projet d’expropriation sans compensation des fermiers blancs

Mercredi en Ethiopie, dernière étape de sa tournée africaine, le secrétaire d’État américain a créé la surprise avec une critique acerbe du projet d’expropriation foncière de la minorité blanche sud-africaine, porté par le président Cyril Ramaphosa.

Lors d’un discours à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, Mike Pompeo a inscrit sa sortie dans le cadre de l’échec de la planification centralisée du foncier entreprise dans des pays comme le Zimbabwe, la Tanzanie et l’Éthiopie. Il a déclaré « L’Afrique du Sud débat d’un amendement visant à permettre l’expropriation de la propriété privée sans compensation. Ce serait désastreux pour cette économie, et surtout pour le peuple sud-africain », et le secrétaire d’État de plaider en faveur d’un « État de droit fort, du respect des droits de propriété [et] d’une réglementation qui encourage les investissements ».

La critique de Mike Pompeo survient alors que le président sud-africain Cyril Ramaphosa a promis achever la modification de la Constitution pour pouvoir légiférer sur l’expropriation sans compensation des fermiers blancs, et ainsi corriger une « injustice historique », dans le courant de cette année. Selon le gouvernement sud-africain, 72% des terres agricoles sont exploitées par des fermiers blancs, quand la minorité blanche du pays représente 9% de la population.

Cyril Ramaphosa est contraint de maintenir le cap. Sous pression, le successeur de Jacob Zuma n’a eu d’autre choix que de céder à sa gauche. En effet l’ANC est en perte de vitesse, au profit notamment du parti des Combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Malema, l’EFF ayant enregistré une progression de 6.3%, soit 19 sièges supplémentaires lors des dernières élections législatives de mai 2019. Un gain qui correspond au nombre exact de sièges perdus par l’ANC. Au total, le parti historique de la lutte contre l’apartheid a remporté 57% des voix, contre 62% en 2014. L’EFF est le second parti d’opposition sud-africain, juste après l’Alliance démocratique. La formation de l’homme au béret rouge milite sans ambages pour une rétrocession des terres spoliées par les colons blancs à la majorité noire du pays. C’est donc par anticipation d’une forme de déconvenue électorale que Cyril Ramaphosa a durci ses positions, notamment sur la lutte contre la corruption, avec l’installation d’une Commission anticorruption, et sur la question de la répartition des richesses en Afrique du Sud, laquelle ne peut éluder celle de la répartition des exploitations agricoles. Une promesse électorale qui n’a toutefois pas suffi à préserver l’ANC d’une conséquente perte de terrain.

Les propos de Mike Pompeo font écho à la polémique déclenchée en 2018 par Donald Trump. En août de la même année, le président américain avait déclaré avoir chargé son secrétaire d’État « d’étudier de près les saisies et expropriations de terres et d’exploitations agricoles et l’assassinat à grande échelle d’agriculteurs » en Afrique du Sud. L’exécutif sud-africain avait alors rétorqué que Donald Trump était « mal informé », et affirmé vouloir « aborder la question par la voie diplomatique », tout en enfonçant le clou. « L’Afrique du Sud rejette totalement cette perception étroite qui a pour seul but de diviser notre nation et nous rappelle notre passé colonial » a poursuivi le gouvernement sud-africain. Une réplique sèche, mais pâle comparée au tollé suscité dans l’opinion publique nationale.

Les États-Unis craignent de perdre des marchés dans la nation arc-en-ciel. Les exemples cités en Ethiopie visaient à démontrer l’inefficacité des politiques socialistes en Afrique, pour mieux vanter les mérites de la liberté d’entreprendre comme seule voie vers le développement du continent. Mais pourquoi Mike Pompeo n’a-t-il pas risqué l’ingérence, et ne s’est-il pas inquiété de la stabilité économique, liée à la stabilité politique de pays tels que la Guinée, où Alpha Condé se positionne pour briguer un 3e mandat, ou le Togo, où Faure Gnassingbé est lui candidat à un 4e mandat? Jusqu’ici le secrétaire d’État avait pourtant veillé à éviter les sujets qui fâchent, notamment en restant vague sur le retrait des troupes américaines du Sahel. Quelques heures avant de quitter le continent, pouvait-il se permettre de lâcher une bombe? Un tel hommage à Donald Trump lui permet-il d’entrer dans les bonnes grâces de celui qu’il aime lui-même appeler son « boss », afin d’accroître ses chances d’être reconduit dans ses fonctions si ce dernier est réélu, à l’issue des élections de novembre prochain?

Teria News

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