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En Algérie, le « Hirak » a soufflé sa première bougie ce samedi. Un glorieux anniversaire, au goût amer d’inachevé

Le 21 février a marqué le 53e vendredi consécutif de protestation en Algérie. L’anniversaire du « Hirak », littéralement «le Mouvement», a été honoré par des milliers de manifestants à Alger.

Les slogans contre le régime post-Bouteflika, habillaient avec le cortège de protestataires les rues de la capitale. On pouvait lire: « Système dégage », « Etat civil et non militaire », « Nous ne sommes pas là pour célébrer mais pour que vous partiez », « Tebboune est venu par la fraude avec l’aide des militaires », ou encore « Le peuple veut la fin du régime ».

Il y a un an, la rue s’est indignée contre la perspective d’un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans au pouvoir. Il y renoncera le 11 mars. Cependant, il annoncera également la tenue d’une conférence nationale ayant pour objectif d’amender la Constitution, et comme conséquence de prolonger son 4e mandat. Abdelaziz Bouteflika, lâché par l’armée, incarnée par le chef d’État-major, le général Ahmed Gaïd Salah, finira par démissionner le 22 avril. L’armée au pouvoir, le « Hirak » se dirige alors contre l’institution, à l’image du chef d’État-major, pilier du régime Bouteflika.

Couplée aux promesses de changement, s’opère à la tête de l’État une purge sur fond de règlement de compte entre factions ennemies du pouvoir. Saïd Bouteflika, frère d’Abdelaziz Bouteflika, Ahmed Ouyahia ou encore Abdelmalek Sellal, 3 figures perçues comme intouchables en feront les frais.

Ces divisions ont révélé tout le sens de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika. L’ancien président représentait un clan et un consensus mou. Il était le seul dénominateur commun aux différents groupes qui jouissent des faveurs du système au plus au niveau de l’Etat, la clé de voûte du système.

Les manifestants maintiennent la pression sur le pouvoir qu’ils considèrent confisqué par l’armée, même pendant les longues semaines du mois de Ramadan en mai 2019. Mais aucune alternative ne parvient à émerger, l’opposition cooptée par l’argent du pétrole, et quasi inexistante, étant peu crédible aux yeux des manifestants.

Après l’annulation de la présidentielle à deux reprises, le système s’est cloné grâce à la participation historiquement faible de 39.93% aux élections présidentielles de décembre 2019, qui ont vu l’élection d’Abdelmadjid Tebboune. Impopulaire, le régime peut s’appuyer sur la rente du pétrole, bien qu’il soit comme d’autres pays, soumis à l’impératif de diversifier ses sources de revenu et de transiter hors du statut d’État rentier.

La chute du régime paraissait improbable. Le 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika fut le coup de grâce pour une population très éduquée, mais qui souffre du chômage massif de sa jeunesse, et devait supporter les injustices perpétrées par une oligarchie. L’audace manifestée par l’ancien président a vaincu la tolérance des algériens que l’on disait passifs, résignés et non politisés.

L’Algérie puis le Soudan avec la destitution d’Omar el-Béchir par l’armée en avril 2019, nourrissent des espoirs: aucun régime autoritaire semble être encore à l’abri, et confirment une thèse scientifique selon laquelle l’élément clé de la chute de ces régimes est l’armée. Devant la brèche ouverte par les manifestations populaires, les forces de sécurité refont leurs calculs, et agissent selon leurs meilleures chances de survie. Soit à la tête d’une nouvelle ère, soit par le maintien coûte que coûte d’un régime contesté. Ce tandem difficile, d’autant plus qu’il suppose une alliance entre des instruments d’oppression et un peuple oppressé, n’en demeure pas moins incontournable.

Ce 22 février a été consacré « Journée nationale » par le président Tebboune. Le « Hirak », parfois taxé de « dégagiste », dénonce une tentative de récupération. La persévérance du mouvement, sa constance dans le maintien de ses revendications n’a pas abouti à un changement radical. Plutôt, à une transition qui ne dit pas encore son nom, et soulève la question de son avenir.

Teria News

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