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Tournée africaine de 5 jours de Mike Pompeo. Après 2 ans à la tête de la diplomatie américaine, le secrétaire d’État coche la case Afrique avant la date butoir de la fin du premier mandat de Donald Trump

Les États-Unis n’ont jamais manifesté aussi peu d’intérêt pour l’Afrique que sous la présidence de Donald Trump. Vis à vis du continent, le locataire de la Maison blanche s’est plutôt illustré par le titre de « pays de merde », décerné aux États africains en janvier 2018.

Les États-Unis sont pourtant le troisième partenaire commercial de l’Afrique derrière la Chine et l’Union européenne, avec un volume d’échanges de 40.9 milliards pour l’Afrique de l’Ouest en 2018. Toutefois, Washington a perdu du terrain au profit de son rival asiatique, qui l’a dépassé il y a 10 ans, pour être aujourd’hui le premier partenaire commercial de l’Afrique avec 204 milliards de dollars d’échanges en 2018. Avec cette visite, les États-Unis amorcent-ils un réveil? Si oui, de façon tardive et timide.

Arrivé samedi 15 février au Sénégal, Mike Pompeo s’arrête aussi en Angola et en Ethiopie. Selon le secrétaire d’État, ces 3 pays ont été choisis parce qu’ils sont « dans divers stades de développement de leur transition démocratique et leur stabilité ». À Dakar Mike Pompeo a affirmé que « Les États-Unis voient le Sénégal comme un allié crucial dans les efforts américains pour promouvoir la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest ». Concernant Luanda, l’Angolais João Lourençio s’est forgé une réputation de coupeur de tête dans la lutte contre la corruption, avec les victimes expiatoires que sont les enfants de son prédécesseur José Eduardo dos Santos, et s’est quelque peu distancé de la Chine dans le partenariat économique qui liait Pékin à son pays du temps de son mentor. Le président éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, ayant entamé une vague de réformes libérales, qui comprennent notamment la privatisation d’actifs publics, cadre de plus en plus avec la vision américaine d’un partenariat économique assis sur les investissements privés en Afrique, et a ouvert de nouvelles opportunités économiques pour les États-Unis.

La tournée de Mike Pompeo intervient dans un contexte difficile pour deux raisons principales. D’une part, les États-Unis veulent maintenir leur position de partenaire économique du continent, tout en se désengageant au Sahel. Le weekend passé, le ministre sénégalais des affaires étrangères Amadou Ba a concédé que les États-Unis avaient informé le Sénégal de leur volonté de « retirer leurs troupes de combat », mais a affirmé que le pays serait toujours présent pour assister les États engagés au Sahel dans l’entrainement militaire et le renseignement. « Nous avons eu de nombreuses conversations sur les problèmes de sécurité ici, sur le rôle de l’Amérique sur le sujet. Nous avons clairement indiqué que le ministère de la défense se penche sur l’Afrique de l’Ouest pour s’assurer que nous avons le juste niveau d’engagement » a déclaré le secrétaire d’État. Les États-Unis avaient déjà fait montre de leur volonté de réduire leurs effectifs militaires au Sahel. Un retrait partiel ou total craint par la France, juste au moment où Paris s’inscrit dans une logique inverse avec l’envoi de 600 soldats supplémentaires dans la région, et qui avait motivé la visite de la ministre française des armées Florence Parly à Washington le 27 janvier dernier. Les termes choisis par Mike Pompeo sont conciliants. Ils visent à éviter toute polémique de nature à nuire à la sérénité de son séjour.

D’autre part, le secrétaire d’État américain effectue sa tournée quelques jours après l’extension des interdictions de voyage aux États-Unis à 4 pays africains dont l’Erythrée, le Soudan, la Tanzanie et le Nigéria. Peut-être la raison pour laquelle la première économie du continent ne figure pas parmi les escales de Mike Pompeo.

Les États-Unis désirent contrer l’influence de la Chine en Afrique, accusée de mener une « diplomatie de la dette ». Les « Nouvelles routes de la soie » ou projet « La Ceinture et la Route », politique chinoise de constructions d’infrastructures portuaires, ferroviaires et terrestres, irrite particulièrement Washington.

Depuis l’annonce par l’ancien conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton de la stratégie américaine pour l’Afrique il y a 14 mois, les États-Unis n’ont posé aucun acte concret envers le continent. L’inertie américaine, laquelle ici, compte tenu de l’engagement chinois et russe, équivaut à un retrait, s’explique par le faible enjeu stratégique que représente l’Afrique pour les États-Unis. En effet, depuis l’explosion de l’exploitation des ressources de pétrole et de gaz de schiste sous la présidence de Barack Obama, les États-Unis sont passés du rang de premier importateur de pétrole brut à celui d’exportateur net. De plus, la puissance américaine a déjà implanté des bases militaires dans les pays proches des voies maritimes importantes pour le commerce mondial comme la Somalie, Djibouti, l’Érythrée, et l’Egypte.

L’Amérique souffle le chaud et le froid en Afrique. Alors que le Pentagone se retire du Sahel, l’exercice militaire Flintlock au Sénégal et en Mauritanie est maintenu pour ce mois de février, afin d’aider les armées nationales à faire face aux groupes rebelles. Enfin et surtout, Mike Pompeo était contraint de mettre un terme à une forme de procrastination à cause de l’approche d’une date d’expiration. Celle de la fin du premier mandat de Donald Trump.

Teria News

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