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Le piège redoutable tendu à Israël par le Hamas

Déclenchée samedi 7 octobre par le Hamas, l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » cache des objectifs non pas militaires mais politiques. En provoquant une riposte sans précèdent de l’État Hébreu, elle vise à pousser Israël à la « faute » afin de restaurer le front antisioniste désagrégé par les accords d’Abraham. En jeu : la figure de l’ennemi régional entre l’Iran et Israël.  

Si l’offensive du Hamas enseigne une chose, c’est que le tout sécuritaire est une impasse. Depuis 1948, soit plusieurs décennies après la création de l’État d’Israël, se succèdent irrémédiablement des cycles d’attaques et de représailles armées, rythmant un conflit de faible, moyenne et, comme depuis samedi et 50 ans plus tôt lors de la guerre du Kippour, de haute intensité opposant l’État Hébreu d’une part à des acteurs étatiques comme non-étatiques régionaux de l’autre.  

Au sud d’Israël, sur le front gazaoui et, dans une moindre mesure à sa frontière septentrionale partagée avec le Liban, les armes ont recommencé à parler mais ne résoudront vraisemblablement rien, si ce n’est peut-être laver l’affront historique fait à la superpuissance militaire israélienne, humiliée par un groupe armé de troisième ordre. Pilonné aux premières heures du 7 octobre depuis la bande de Gaza, le dôme de fer, prouesse technique considéré comme le bouclier antimissile le plus sophistiqué au monde, a résisté jusqu’à saturation. Basé sur le soft power israélien propageant le narratif de la supériorité technologique et stratégique de ses services de sécurité, Mossad et Tsahal en tête, le dôme de fer psychologique, mythe qui agissait comme une force de dissuasion, s’est lui effondré.

Le piège de la riposte disproportionnée

Préparée depuis plusieurs mois par l’Iran et le Hezbollah dans la capitale libanaise, avance L’Orient Le Jour, le feu vert du déclenchement de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » aurait été donné lundi 2 octobre, selon des révélations du Wall Street Journal. Méticuleusement coordonnée depuis Beyrouth, elle s’est déployée par voies aérienne, maritime et terrestre, perçant même la clôture ultrasécurisée de la frontière de Gaza. Pourtant électrifiée, truffée de caméras, capteurs et dont la profondeur est censée protéger Israël d’une infiltration sous-terraine, le dispositif a aussi failli en permettant l’incursion surprise de combattants du Hamas et une prise d’otage inédite de près de 130 personnes.

1000 morts israéliens plus tard, la bande de Gaza, soit cette enclave côtière longue de 40 km et large d’à peine 10, sous blocus israélien depuis 2007, sur laquelle s’entassent deux millions de palestiniens dont 80% a moins de 30 ans mais aucune perspective d’avenir, est aujourd’hui privée d’eau, d’électricité et de gaz. Bien avant le siège total de Gaza décrété lundi par Benyamin Netanyahou, les gazaouis jetés en pâture par le Hamas et les brigades Al-Quds du Jihad islamique, attendaient le courroux de l’État Hébreu. À la mesure de l’humiliation essuyée, le déluge de feu annoncé vise à restaurer la crédibilité militaire d’Israël. Or, la riposte aveugle baptisée opération « Épée de fer », est précisément le piège tendu par le Hamas, que le pays ne peut contourner.  

Gaza, une prison à ciel ouvert

Restaurer le front antisioniste

Même durement éprouvée, la supériorité militaire d’Israël et de son allié américain sur leurs ennemis demeure un fait. Passé l’effet de surprise et quand bien même confronté à la perspective d’une guerre longue, le rapport de force reste asymétrique. Dès lors, il parait manifeste que les réels objectifs de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » sont davantage politiques que militaires.

Trois ans après la conclusion des accords d’Abraham (septembre 2020) médiés par l’administration Trump entre Israël, les Emirats arabes unis et Bahreïn, dans un premier temps, ensuite rejoints par le Soudan et le Maroc, visant à normaliser leurs relations avec l’État Hébreu, la cause palestinienne est devenue une ligne de fracture dans le monde arabo-musulman. Géostratégiques, ces accords actent autant la reconnaissance de l’État d’Israël que la mise au ban régionale de l’Iran. Désormais seule à maintenir une posture guerrière vis-à-vis d’Israël, l’Iran isolé devient en effet l’ennemi régional, rôle jusque-là dévolu à Israël.

Or, en contraignant Benyamin Netanyahu à une riposte d’une brutalité inégalée, les ennemis d’Israël souhaitent, via l’émotion suscitée par les images de destruction de Gaza et de ses habitants, reconstruire un consensus antisioniste par le bas. Remobiliser les opinions publiques arabes autour de la cause palestinienne permet au Hamas et à ses sponsors de l’utiliser comme levier de pression contre les élites politiques régionales réconciliées avec Israël ou tentées de le faire. Ainsi, raviver un consensus propalestinien en transcendant les barrières entre mondes sunnites et chiites, renverserait la figure de l’ennemi, de Téhéran vers Jérusalem, et ménagerait une respiration politique à l’Iran.

En outre, le ré-embrasement du Moyen-Orient porte un coup d’arrêt aux tractations devant mener à la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie Saoudite. Un pied de nez au « méga deal » du grand rival régional avec les États-Unis, lequel comprenait, en échange de la reconnaissance d’Israël, un parapluie sécuritaire et un programme d’enrichissement de l’uranium pour le royaume saoudien. 

Teria News

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