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Les États-Unis traquent les russophiles sur le continent africain

Les États-Unis disent « protéger » les Africains contre la Russie. Le Congrès américain se prépare à sanctionner les activités de Moscou sur le continent. Mais surtout, l’Afrique s’expose à des sanctions si elle n’applique pas les sanctions américaines votées contre la Russie.

Avec ce projet de loi, le Congrès américain dit cibler les activités qui « sapent les objectifs et les intérêts des États-Unis ». Autant dire qu’une fois encore, l’extraterritorialité du droit américain est au service des intérêts géopolitiques de Washington. Le Countering Malign Russian Activities in Africa Act, la loi visant à « contrer les activités malveillantes de la Russie », est un texte taillé pour enrayer la montée en puissance de Moscou sur le continent africain.

La loi donne le pouvoir au secrétaire d’État américain de concevoir des stratégies pour parer à l’offensive russe en Afrique et pour inverser une tendance russophile. Moscou en effet gagne du terrain en Afrique et ce, par le bas, c’est-à-dire au sein des populations du continent mais aussi par le haut, à l’échelle des élites lassées des leçons de morale à géométrie variable dispensées par les chancelleries occidentales.

Washington contre Wagner et les oligarques russes

Sans la nommer, mais toutefois sans surprise, le Congrès cible la société Wagner, peut-être le secret le moins bien gardé de Moscou. Le texte mandate l’exécutif américain afin qu’il surveille « de très près les opérations d’influence politique et de désinformation russes ainsi que les activités des compagnies de sécurité privées russes ou financées par la Russie en Afrique ».

Considérés comme les banquiers du Kremlin, les oligarques russes sont également dans le giron du projet de loi qui s’attaque aux « mandataires du Kremlin tels que des oligarques proches du président Vladimir Poutine, des entrepreneurs financés par le gouvernement russe, et d’autres individus et entités financièrement ou politiquement associés à la Russie qui manipulent les gouvernements africains ainsi que les opinions publiques et les préférences de vote des populations africaines et des groupes de la diaspora, y compris ceux des USA ».

Attrape-tout, le texte vise globalement les individus et personnes morales proches de Moscou qui « réalisent des investissements ou contrôlent de toute autre manière des secteurs stratégiques en Afrique comme l’exploitation des ressources naturelles, les bases militaires, les programmes de coopération dans le domaine de la sécurité en matière et les technologies de l’information et des communications ».

Une offensive contre le non-alignement

Selon le projet de loi, l’Afrique s’expose à des sanctions si elle n’applique pas les sanctions américaines contre Moscou. Le cas échéant, le continent sera considéré comme complice de la Russie. En effet, le texte tient « les gouvernements africains ainsi que leurs fonctionnaires et autres individus ou entités complices de la violation ou de la facilitation de l’évasion des sanctions américaines contre la Russie, et ses mandataires responsables de leurs actes, par le biais de sanctions ou d’autres restrictions ».

« Celui qui n’est pas avec moi est contre moi », prône en somme le Congrès. Avec une telle stratégie, le législateur américain veut rentre intenable la position médiane du continent africain qui, dans sa majorité, a refusé de condamner l’intervention russe en Ukraine lors d’un vote historique de l’Assemblée générale de l’ONU le 2 mars dernier. C’est toute la politique de non-alignement africaine qui deviendra périlleuse. L’Afrique devra-t-elle choisir un camp ?

Au-delà de la défense de ses intérêts, pour justifier son projet de loi, le Congrès américain verse dans un paternalisme tout occidental. Une fois encore, les Africains sont manipulés et vulnérables. Dépourvus de maturité d’esprit comme de discernement, ils sont incapables de se forger leur propre opinion, raison pour laquelle il faut les « protéger » autant des prédateurs que d’eux-mêmes. Mettant au passage les intérêts américains et africains dans le même panier, le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Gregory Meeks, estime en effet que le texte vise à « contrecarrer les efforts du président russe Vladimir Poutine visant à piller, manipuler et exploiter les ressources de certaines régions d’Afrique pour échapper aux sanctions et saper les intérêts des USA ». Une loi « bénéfique à l’Afrique », a-t-il par ailleurs déclaré.

Teria News

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