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Le prix de la guerre en Ukraine payé par les Africains

Le Nigeria pourrait faire face à une crise alimentaire « imminente », potentiellement « dès le mois de juin », prévient Aliko Dangote. Deux semaines après son déclenchement, la guerre en Ukraine menace déjà la sécurité alimentaire de millions de personnes sur le continent.

C’est plus qu’un effet papillon. Importateurs nets de céréales, dont le blé, les pays Africains paient la facture de la guerre en Ukraine dans leurs assiettes.

Le Nigeria pourrait faire face à une crise alimentaire « imminente », potentiellement « dès le mois de juin », a averti Aliko Dangote. « En ce moment, il y a des gens qui exportent du maïs pour gagner des devises étrangères, et je pense qu’on doit arrêter ça », a dénoncé le milliardaire qui milite pour qu’Abuja interdise ces exportations. Une mesure déjà prise par l’Algérie dimanche. Craignant des pénuries de produits de première nécessité, Alger a en effet prohibé les exportations de sucre, de pâtes, d’huile, de semoule et de tous les dérivés du blé. Deuxième producteur de maïs d’Afridue, le Nigéria demeure dépendant des importations de céréales en général, dont le blé, à 98%. De plus, le continent pourrait subir une pénurie d’engrais, alerte Dangote.

Quand l’Est de l’Europe s’enrhume, le monde entier éternue

En dehors du Nigeria, c’est toute l’Afrique qui se prépare à affronter une augmentation drastique des prix. Redoutées, les conséquences de la guerre en Ukraine se font d’ores et déjà sentir un peu partout sur le continent avec une augmentation du prix du pain. Respectivement 3e et 7e producteurs mondiaux de blé, le conflit entre la Russie et l’Ukraine, qui représentent à eux-seuls un tiers des exportations mondiales de blé, fait flamber le cours des céréales. L’Europe et l’Afrique « seront très profondément déstabilisées sur le plan alimentaire » dans les 12 à 18 mois à venir en raison de la guerre en Ukraine, affirmait Emmanuel Macron le 11 mars dernier.

À terme, l’Afrique qui, depuis 60 ans n’a pas réussi, ni sérieusement essayé, de réduire sa dépendance au blé qu’elle produit peu, est menacée par une crise alimentaire. Malheureusement, si des initiatives existent pour remplacer le blé par du manioc, du maïs, voire même de l’igname dans la production du pain, elles sont loin d’être généralisées. Et pourtant, le potentiel est bien là. Les exemples aussi d’ailleurs. Depuis l’imposition de sanctions contre elle en 2014, la Russie a développé son économie et réduit sa dépendance alimentaire. Le pays est, précisémment, devenu le premier exportateur mondial de blé.

La ZLECAF, ce serpent de mer

« Consommons ce que nous produisons et produisons ce que nous consommons », exhortait Thomas Sankara. Depuis les indépendances, l’autosuffisance alimentaire est une gageure.

L’embryon de crise alimentaire actuel appelle à un électrochoc des puissances publiques, notamment en faveur de l’opérationnalisation de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine.

Jeudi 10 mars, les Nations unies annonçaient que le Cadre intégré renforcé (CIR), la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et la Société internationale islamique de financement du commerce (SIFC), s’engageaient dans ce sens. Cette aide concerne 8 pays: Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo et Tunisie.

« Ce projet conjoint peut potentiellement faire passer les niveaux de commerce régional de 18% à 25% en une décennie. Avec une mise en œuvre appropriée, cela pourrait également conduire à une diminution de 10 milliards de dollars des importations en provenance de l’extérieur, tout en stimulant les exportations agricoles et industrielles jusqu’à 45 milliards de dollars (7 %) et 21 milliards de dollars (5 %) par an »

Vera Songwe, sous-secrétaire générale des Nations unies et secrétaire exécutive de la CEA

À sa maturité, la ZLECAF, la plus grande zone de libre-échange depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce, devrait permettre de supprimer les droits de douane de 97 %. D’aucuns s’étonnent que des organisations non-africaines se posent en solution aux problèmes africains quand l’intégration européenne et asiatique s’est concrétisée grâce à la volonté politique d’États au sein d’une aire géographique déterminée.

Outre une crise alimentaire de nature à aggraver l’inflation galopante (17% sur 2021) due au Covid-19, les prix de l’énergie s’emballent aussi. À l’échelle sous-régionale, la CEDEAO estime que 28 millions de personnes dans la région pourraient se trouver en insécurité alimentaire. L’Union africaine n’a elle, encore produit aucun document de prospective sur le sujet.

Teria News

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