Elle infiltra le Royaume Igbo et découvrit le secret de sa supériorité tactique sur son peuple. La Reine Yoruba Moremi Ajasoro est la souveraine-espionne qui arracha la paix par la ruse et le don de soi. Retour sur la figure la plus honorée de l’histoire du peuple Yoruba.
D’une beauté légendaire et originaire de la ville d’Offa, la princesse Moremi Ajasoro naquit au XIIe siècle dans le Yorubaland, sur le territoire devenu le sud-ouest de l’actuel Nigéria. Elle fut mariée au Roi Oranmiyan, descendant du fondateur du Royaume Yoruba Ilé-Ifè et futur fondateur du royaume d’Oyo, le célèbre Oduduwa.
À cette époque, la ville d’Ifè était alors à la fois Capitale et Cité-État. Cette période de l’histoire du Royaume Yorubaland fut marquée par de récurrents raids sur les villages Yoruba par un peuple voisin surnommé « Iran Igbo », « Peuple de la forêt » en langue Yoruba. Armés de courage et usant pourtant des meilleures techniques de défense, les guerriers du Yorubaland essuyaient souvent des échecs. Les conflits entre les deux royaumes se soldaient en effet par la victoire répétitive du peuple Igbo avec pour conséquence, des citoyens d’Ifè réduits en esclavage.
Un stratagème hors pair pour vaincre l’ennemi
Face à la souffrance de son peuple et soucieuse d’aider, la Reine Moremi décida d’agir mais se heurta à l’opposition de ses proches. L’histoire raconte que pour être rassurée, elle alla questionner l’une des divinités du peuple Yoruba : Esimirin, esprit de la rivière et implora son aide pour remédier aux défaites consécutives de l’armée Yoruba et à la captivité de son peuple. Sa requête porta précisément sur la façon de résoudre le conflit inter-ethnique. La divinité lui accorda sa faveur mais au seul gage d’un grand sacrifice offert par Moremi en retour, une fois les perpétuels conflits apaisés. Belle et courageuse, Moremi ne prit cependant point la peine de s’enquérir du sacrifice à consentir à l’endroit de la divinité, mais s’empressa de fomenter un plan dont elle informa son mari : découvrir le secret militaire et les failles du camp adverse.
Pour y parvenir, la Reine Moremi décida de se rendre seule en territoire ennemi. Elle se joignit à la foule de commerçantes au marché d’Ifè, lieu stratégique où les massacres de Yorubas avaient souvent lieu. Elle se fit capturer exprès comme esclave lors d’un des assauts lancés par le camp ennemi. Ce fut la première étape de sa stratégie.
Ensuite, profita-t-elle de sa beauté éblouissante pour devenir une des épouses du Souverain des Igbos qui tomba éperdument amoureux d’elle. Parvenue à devenir la favorite du Roi, les stratégies de guerre des Igbos n’avaient plus de secrets pour la double Reine Moremi. Elle s’enquit des ruses utilisées par les Igbos pour paraître irréels aux yeux des Yorubas lors des batailles et surtout du point faible de l’armée ennemie. En réalité, les accoutrements des Igbos étaient très inflammables et les défaites consécutives des Yorubas au combat découlaient principalement de l’apparence des soldats Igbos considérés alors par les soldats Yorubas comme des monstres démoniaques ou des esprits. Ces derniers se revêtaient de ces accoutrements terrifiants en raphia faisant penser à des êtres surnaturels, ce qui les rendait invincibles car terrorisant le camp ennemi.
Une fois, les secrets des Igbos découverts, Moremi profita d’une occasion pour s’échapper et retourner vers son peuple.
De retour dans son royaume d’origine, elle prit la peine d’informer les sujets et soldats des stratégies dont usait le camp adverse. Elle révéla que l’on pouvait enflammer les accoutrements des Igbos simplement avec des torches traditionnelles « oguso ». À la bataille suivante, les Yorubas obtinrent la victoire sur les Igbos en mettant le feu aux soldats ennemis et en les pourchassant jusque sur leur territoire. Les Yorubas retrouvèrent ainsi leur liberté grâce à la Reine Moremi.
Une demande inconcevable
Une fois la paix restaurée, Oranmiyan, le premier mari de Moremi la rétablit immédiatement Reine. Soucieuse d’honorer sa promesse, Moremi retourna alors vers la divinité de la rivière afin de la remercier de son aide et de tenir parole. Mais elle était loin d’imaginer la contrepartie du soutien de Esimirin. Celle-ci exigera en effet le sacrifice de son unique fils, Oluorogbo. Très peinée, la Reine implora la divinité de suppléer à cette immolation par une requête moins déchirante. Mais la divinité fut intransigeante. Dans une douleur partagée par tout son peuple, Moremi s’exécuta.
La Reine Moremi célébrée par la postérité
Dans la mémoire collective, la Reine Moremi est honorée pour l’initiative salutaire qu’elle prit afin de sauver son peuple. Son altruisme est grandement célébré au Nigéria où elle occupe une place de choix dans l’estime des Yorubas. Ainsi, la fête Édi est célébrée chaque année par le peuple Yoruba en l’honneur de son geste ultime.
En 2017, la statue de la Reine Moremi, figure la plus honorée de l’histoire du peuple Yoruba, est érigée par le roi Oba Ogunwusi, 51 ème monarque du Royaume Yoruba. L’une des statues les plus hautes du Nigéria et troisième plus haute d’Afrique, elle trône dans la ville d’Ifè. Un peu comme pour dire que le courage de cette femme plane sur toute l’Afrique !
Maggy Lynn