AfriqueEconomie

Rwanda, premier exportateur mondial de coltan devant la RDC

Pour la 5e fois en 10 ans, le Rwanda se hisse au premier rang mondial des exportateurs de coltan, tout juste devant la RDC. Alors que le pays n’en possède pas une seule mine, son statut rappelle la problématique des « minerais de sang » pillés à l’Est de la RDC.

Talonnée de près par la République démocratique du Congo, comme au cours des dix dernières années, le Rwanda confirme son statut de premier exportateur mondial de coltan et troisième en ce qui concerne le tantale. Ceci, alors que la RDC voisine détient 60 à 80% des réserves mondiales de ce minerai. Crucial pour la transition écologique, il est notamment indispensable à la production de batteries par l’industrie automobile et les géants du numérique pour les smartphones.

Outre le coltan, la RDC extrait également cobalt, or, tantale, cassitérite ou encore wolframite. Autant de « minerais de sang », objets de conflits régionaux avec les pays voisins que sont l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, pillés dans le sous-sol congolais par plusieurs vagues de milices armées par ces derniers avec la complicité de puissances internationales et de multinationales.

Le coltan congolais exporté par le Rwanda

« Une enquête des Nations unies a révélé que de nombreux comptoirs achètent sciemment du coltan dans des zones contrôlées par des groupes armés et exploitent la distinction entre eux et les négociants pour prétendre ignorer l’origine du minerai […] Les entreprises internationales transportent ensuite le minerai directement vers le pays de destination ou le réexportent via l’Ouganda et le Rwanda vers des installations de traitement à l’étranger »

Rapport publié en mars 2022 par l’ENACT, initiative de lutte contre le crime organisé transnational

L’Est du Congo et son essor économique impossible sont marqués par les conflits avec les Etats voisins. Ainsi, les milices rwandaises Tutsi qui ont poursuivi les combattants Hutu après le génocide le 1994 au-delà des frontières congolaises où ils s’étaient réfugiés, sont restés sur place pour contrôler les immenses réserves en minerais de cette partie richissime du Congo que sont les provinces du nord et du sud Kivu. Deux guerres entre la RDC et le Rwanda plus tard, ce sont aujourd’hui des groupes armés comme le M23 qui assurent cet approvisionnement.

Malgré les dénonciations et la mobilisation, des Congolais et amis de la RDC, dans les stades de football à l’occasion de la CAF comme sur les réseaux sociaux, le mouvement #FreeCongo n’est pas encore parvenu à vaincre l’hypocrisie de la communauté internationale. En effet, tout en se fendant d’un côté de communiqués et déclarations condamnant le rôle du Rwanda dans la déstabilisation de la RDC, de l’autre, elle multiplie et renforce ses partenariats, même dans le domaine minier comme récemment concernant l’Union européenne, avec Kigali. Quant aux Etats-Unis, ils sont les premiers clients du Coltan rwandais. Les multinationales pour leur part, profitent de la confusion générée par la présence de groupes armés et la corruption généralisée qui rendent les contrôles difficiles pour se montrer peu regardantes sur l’origine du coltan qu’elles achètent.

Intitulé « Mining and illicit trading of coltan in the Democratic Republic of Congo », le rapport d’ENACT souligne que le Rwanda est la voie privilégiée pour le négoce illicite du coltan. Kigali ne taxe pas les exportations du minerai et permet aux marchandises importées d’être requalifiées « made in Rwanda » à condition de subir une transformation dans le pays avec une valeur ajoutée d’au moins 30%. « Il est donc probable que la majeure partie du minerai exporté du Rwanda soit d’origine congolaise », conclut l’ENACT. En attendant, les initiatives régionales et internationales de traçabilité des « minerais de sang » pataugent.

Le double-jeu des grandes puissances

De nombreux intérêts stratégiques occidentaux sont défendus par le Rwanda. Si Kigali a toujours été un partenaire et allié continental que l’Ouest a toujours ménagé, le pays l’est plus encore depuis le regain de conflictualité dans la rivalité géopolitique que se livrent l’Est et l’Ouest en Afrique. Le Rwanda est de plus, le gendarme de l’Occident sur le continent dans une ère globalement post-interventionniste où les acteurs de la scène internationale ayant compris que le coût en termes de soft-power d’une présence militaire prolongée surpassait le bénéfice stratégique qu’ils en tiraient, préfèrent agir à travers des puissances régionales comme proxy.

En Centrafrique, l’appui militaire du Rwanda permet de contrer l’influence russe dans la reconquête, la stabilisation du territoire centrafricain et le contrôle des ressources minières. Au Mozambique, Kigali combat l’insurrection djihadiste dans la province de Cabo Delgado avec des fonds européens pour sécuriser les investissements de multinationales comme Total autour des gisements de pétrole exploités par le groupe français. La France justement, depuis l’arrivée au pouvoir du président Macron, ménage particulièrement Kigali. Un rapprochement qui s’observe notamment sur la question du contentieux mémoriel entre les deux pays autour des évènements de 1994. Longtemps réticente à assumer sa part de responsabilité dans le génocide rwandais, Paris a, depuis quelques années, opéré un net virage.

Alors qu’en 2021, le président français avait déjà reconnu les « responsabilités » de la France dans le génocide de 1994, à l’occasion de la commémoration des 30 ans du drame, l’Elysée a fait un pas supplémentaire, en estimant que Paris, « qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté », avant que la phrase ne disparaisse du discours officiel d’Emmanuel Macron.

Teria News

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page