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Tchad: 24 heures après la mort d’Idriss Déby, le coup d’État institutionnel se confirme

Après le décès soudain d’Idriss Déby mardi, officiellement des suites de blessures reçues au combat (contre le Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad, FACT), son fils de 37 ans, le général quatre étoiles #MahamatDéby Kaka a pris le pouvoir à la tête d’une transition militaire. Le nouvel homme fort du Tchad? Rien n’est moins sûr. Alors que le pays vit une crise politique, la France et la Russie se livrent à une véritable guerre d’influence.

Les Tchadiens sortent lentement de la torpeur qui a suivi l’annonce de la mort brutale d’Idriss Déby, dont le régime militaire les a brimé pendant 30 ans. Depuis mardi 20 avril, c’est un Conseil militaire de transition (CMT) avec à sa tête Mahamat Déby, fils d’Idriss Déby et ancien chef de la garde présidentielle qui dirige le pays.

Une transition militaire pour des élections démocratiques. Vraiment ?

Transition vers quoi? La Charte de transition abroge la précédente Constitution et devient la nouvelle « loi fondamentale » du Tchad. Selon le texte, Mahamat Déby cumule les fonctions de « président de la République » et de « chef suprême des armées », en plus de présider « le conseil militaire de transition, le conseil des ministres, les conseils et comités supérieurs de défense nationale ». Ce, quand la Constitution, allègrement foulée aux pieds par le régime Déby, désignait le président de l’Assemblée nationale, institution devenue caduque, comme chef d’État par intérim.

Mahamat Déby devient ainsi le nouveau visage du Tchad, mais reste à savoir s’il en est le nouvel homme fort. En effet, si Idriss Déby était la clé de voûte du régime, faisant tenir bon an mal an un puzzle clanique, rien ne garantit que son fils, même porté par les principaux généraux de son défunt père, parviendra à maintenir le jeu d’alliances qui tient un régime en réalité composite.

Un « coup d’État institutionnel »

D’ores et déjà, l’opposition dénonce un « coup d’État institutionnel ». Dans un communiqué, une trentaine de « partis politiques de l’opposition démocratique appellent à l’instauration d’une transition dirigée par les civils […] à travers un dialogue inclusif ». L’opposition « appelle la population tchadienne à ne pas obéir aux décisions illégales, illégitimes et irrégulières prises par le CMT, notamment la charte de la transition. » De plus, ces partis demandent à la communauté internationale « d’accompagner le peuple tchadien dans la restauration de l’État de droit et de la démocratie ».

En cette période de grande insécurité politique, il s’agissait de réduire les risques qui pèsent sur le régime en incarnant immédiatement le pouvoir. Une succession dynastique toute trouvée, d’autant plus rassurante pour les caciques du système Déby qu’elle échoit à un « jeune » général, qui doit encore prouver sa capacité à s’affirmer face aux éléphants de son père…

Guerre d’influence entre la France et la Russie

Malgré un contexte sécuritaire délétère, Emmanuel Macron se rendra au Tchad vendredi pour assister aux obsèques d’Idriss Déby, un « ami courageux » de l’Hexagone. Cohérent quand on voit avec quel empressement la France a reconnu le leadership du CMT et de Mahamat Déby. « Une transition politique s’ouvre à présent, conduite par le conseil militaire de transition », peut-on lire dans un communiqué de Jean-Yves le Drian, daté du 20 avril. Une façon pour le bailleur de fonds du Tchad d' »adouber » un nouveau chef, d’assurer la continuité d’une « relation spéciale » faite d’échanges de bons procédés, notamment ressources contre soutien militaire, mais aussi de s’assurer de sa longueur d’avance sur la Russie. Plus celle-ci s’amenuise, plus Moscou conteste à Paris son hégémonie en Afrique francophone, en grignotant ses capitales comme Kinshasa et Bangui. Après la Centrafrique, la Russie a aussi les yeux sur le Tchad.

En outre, alors qu’une plus grande menace pèse sur le Sahel, des doutes persistent sur les circonstances de la mort d’Idriss Déby. Est-il vraiment mort au combat ou a-t-il été assassiné ? Les Tchadiens eux, se demandent surtout s’ils jouiront enfin de leurs droits humains et de la manne pétrolière, détournée pour acheter des loyautés à l’intérieur et à l’extérieur du pays au point d’en faire le 187e sur 189 sur l’indice de développement humain de l’ONU.

Teria News

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