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Terrorisme : la Côte-d’Ivoire et le Bénin seraient les prochaines cibles d’Al_Qaïda selon le patron des services secrets français

Lundi 1er février, Bernard Émié a déclaré que les chefs d’Al-Qaïda au Sahel avaient un « projet d’expansion vers les pays du golfe de Guinée ». Information ou campagne de communication pour justifier une marche arrière sur le « réajustement » de Barkhane promis en janvier ?

La rareté de ce type de sorties de la part du chef de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) interroge. Pas d’enregistrements, mais des images sensées montrer un rassemblement dans le centre du Mali en février 2020, entre les plus hauts responsables terroristes de la région. L’objectif de la « réunion » aurait été « la préparation d’opérations de grande ampleur sur des bases militaires ».

« C’est là que les chefs d’Al-Qaïda au Sahel ont conçu leur projet d’expansion vers les pays du golfe de Guinée », a poursuivi Bernard Emié. « Ces pays sont désormais des cibles eux aussi. Pour desserrer l’étau dans lequel ils sont pris et pour s’étendre vers le sud, les terroristes financent déjà des hommes qui se disséminent en Côte d’Ivoire ou au Bénin », a-t-il ajouté. « Des combattants [ont] également été envoyés aux confins du Nigeria, du Niger et du Tchad », a-t-il par ailleurs déclaré. Le chef des renseignements français a en outre estimé que ces « héritiers directs d’Oussama Ben Laden […] poursuivent son projet politique, avec l’objectif assumé de commettre des attentats en Occident et en Europe en particulier ».

Une sortie pour ouvrir la voie à une reculade Pourquoi le choix de ce format pour s’exprimer ? Pourquoi ne pas s’être contenté de partager ces renseignements avec les autorités concernées, béninoises, ivoiriennes et nigérianes, et les laisser informer leurs populations respectives ? Le patron de la DGSE n’effectue pas ici une mission de salut public pour l’Afrique de l’Ouest. Son intervention est à lire à l’aune du principe selon lequel les grandes puissances n’ont pas d’amis, uniquement des intérêts. Cet adage et l’histoire des relations entre la France et l’Afrique nous permettent de déconstruire ce qu’il faut lire comme le maillon d’une campagne de communication. La DGSE s’adresse directement aux populations des pays concernés comme leviers de pression sur leurs gouvernements.

Après la mort de 5 soldats français au Sahel fin décembre 2020, début janvier, anticipant les appels au désengagement de la part des parlementaires et du peuple français, la ministre française des Armées, Florence Parly, a annoncé un futur « réajustement » de la présence des troupes tricolores dans la région. Ce, alors qu’une année auparavant, en janvier 2020, cette présence avait été renforcée à la faveur d’un tour de passe passe dont le point d’orgue fut la Convocation de Pau.

Emmanuel Macron ne s’étant pas encore prononcé, le timing de la publication d’une telle informations, un an après la tenue de ladite « réunion », permettrait de justifier la présence française au Sahel et de préparer l’opinion française, soit à une marche arrière sur l’ajustement » promis, soit à une réduction marginale des effectifs de Barkhane. Il s’agit de plus, d’un appel du pied aux alliés de la France pour la constitution d’une coalition autour de Paris, appuyant l’armée française au Sahel. L’Hexagone n’a en effet eu de cesse ces dernières années de demander aux pays européens de s’impliquer à ses côtés dans la région. Un prétexte pour densifier la coopération militaire avec les pays du golfe de Guinée

En outre, cet élargissement de la menace terroriste au golfe de Guinée amorce une offensive diplomatique française en vue de l’intégration du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Nigeria dans une force régionale étendue de lutte contre le terrorisme, pilotée par Paris. En plus d’élargir la présence de la France en Afrique de l’Ouest, une telle force lui donnerait un accès stratégique à l’océan Atlantique, ce qui lui manque au Sahel. Rappelons que cette mise en garde intervient après le branding du nord du Bénin comme zone rouge suite à l’assassinat du guide Fiacre Gbedji et à l’enlèvement de deux touristes français dans le parc de la Penjari en 2019.

Cette dégradation dans la catégorisation sécuritaire du Bénin par la France fut particulièrement mal perçue par les populations, le pays s’étant depuis 2016 engagé à faire du tourisme un levier de développement. La mesure du réajustement de Barkhane sera dévoilée au cours du sommet du G5 Sahel prévu se tenir les 15 et 16 février prochains à N’Djamena.

Teria News

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