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Renégociation de l’Accord de Cotonou

Les pourparlers entre les ministres des pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) et l’Union européenne (UE) sont entrés dans leur phase finale, et aussi la plus difficile : celle du volet politique, symbole de l’ingérence de l’UE.

Signé le 23 juin 2000 à Cotonou et succédant à la Convention de Lomé, l’Accord de Cotonou a connu un processus de révision considérablement ralenti par la crise de Covid-19, mais prévu s’achever « dans les prochaines semaines ». Conclu pour 20 ans, cet accord, devait arriver à échéance en février 2020, mais a été prorogé jusqu’à décembre 2020. Révisé tous les 5 ans, il rassemble les 79 États du groupe ACP et les désormais 27 pays de l’Union européenne (après le Brexit). Des échanges techniques ont débuté lundi à Bruxelles, mais la révision du texte a formellement commencé le 28 septembre 2018. Les négociations entre représentant des deux parties, elles, doivent reprendre vendredi prochain. Les discussions porteront notamment sur : la reconnaissance de la libre orientation sexuelle et de l’identité de genre, l’abolition de la peine de mort, ou encore le financement par l’UE des organisations de société civile africaine.

Principalement axé sur le développement et le commerce, le texte devra aussi comporter une dimension politique. Composé d’un socle commun, énumérant les principes et valeurs communs à l’UE, à l’Afrique, aux Caraïbes, et au Pacifique, et exposant les grands objectifs poursuivis, il se subdivisera en trois partenariats régionaux renforcés (UE-Afrique, UE-Caraïbes et UE-Pacifique). Pour ce qui est du partenariat entre l’UE et l’Afrique, c’est l’Union africaine qui est mandatée pour discuter directement avec l’Union européenne de certains sujets comme la migration, les questions de paix et sécurité, le commerce (avec la Zone de libre-échange continentale africaine), et le climat.

De chaque côté on s’accorde volontiers sur ce point: les questions abordées au cours de cette dernière phase sont « les plus difficiles ». Et de l’aveu des négociateurs en chef, le ministre togolais Robert Dussey pour les ACP, et la commissaire chargée des partenariats internationaux Jutta Urpilainen (qui a remplacé le croate Neven Mimica) pour l’UE, ces sujets qui fâchent ont été intentionnellement repoussés, pour favoriser l’avancement des tractations, avant éventuellement, de buter sur les nœuds que sont les thèmes politiques. Ceux-ci englobent, les droits de l’homme, les libertés fondamentales, la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance désignées par les européens comme « priorités stratégiques ». Toujours selon les négociateurs en chef, le futur accord est appelé à s’appuyer « sur les valeurs et principes fondamentaux de l’accord de Cotonou » et doit « les renforcer ». Bruxelles désire également que soient notamment inscrits dans le texte final, un certain nombre de principes comme la reconnaissance de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, l’abolition de la peine de mort, et la collaboration avec la Cour pénale internationale.

Qu’est-ce que le groupe ACP a tiré de ce partenariat?

Dans son rapport spécial 20/2018, la Cour des comptes européenne a jugé l’appui de l’Union européenne à l’Afrique peu efficace. En effet, loin d’être gagnants-gagnants, les accords commerciaux, souvent favorables aux pays européens, accentuent les inégalités entre les différentes régions impliquées. La poussière qui s’est accumulée sur les 20 années de vie de l’Accord de Cotonou, ne fait que refléter aux yeux d’une large frange de la population africaine en mal d’affirmation et d’indépendance, le caractère décrépit de cette relation UE-ACP, trop asymétrique pour être réellement émancipatrice.

Par ailleurs et comme d’autres, ce partenariat soulève la question du conditionnement d’une relation « particulière » à l’acceptation de normes et de valeurs étrangères, qui apparaissent dès lors comme des moyens d’ingérence, d’aucun diraient de colonisation par les idées. Ici, quelque soit les opinions des uns et des autres, la préoccupation est celle de l’imposition de façon exogène, versus celle de l’évolution endogène de normes sociales. L’exemple de l’abolition de la peine de mort, relevant de la souveraineté des États ACP, est un des plus parlants. « Ce n’était pas inscrit dans le mandat de négociations […], c’est au cours des négociations que l’Union européenne a voulu qu’on en parle », affirme un membre de l’équipe de négociateurs africains. Mais le plus édifiant reste celui de la reconnaissance de la libre orientation sexuelle et de l’identité de genre. Les pays du groupe ACP y sont hermétiquement fermés.

Coronavirus et opportunité

La renégociation de l’Accord de Cotonou a été ralentie par la crise de Covid-19, mais cette dernière en a paradoxalement renforcé la nécessité. L’après Covid-19 sera un Nouveau monde. Celui-ci offre aux États de l’APC l’opportunité de s’affirmer face à un occident considérablement affaibli par la crise, et de rééquilibrer les relations. Car, si l’Europe vieillissante a toujours eu besoin de l’Afrique, en particulier pour ses matières premières, le vieux continent est aujourd’hui encore plus dépendant du continent nourricier pour se relever après la crise de nouveau coronavirus.

Teria News

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