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Guillaume Soro est inquiété par une plainte déposée à Paris, pour crimes de guerre, assassinat et torture. Cette action en justice coïncide avec la présence à Paris du Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly

Point de répit pour Guillaume Soro. Après la justice ivoirienne, c’est au tour de la justice française d’être saisie contre l’ancien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

Déposée jeudi à Paris, la plainte porte sur les forfaits présumés commis par la rébellion des Forces nouvelles, qu’il a conduite de 2003 à 2011. La partie civile, composée des avocats de 6 personnes, accuse Guillaume Soro d’assassinat, de torture, et de crimes de guerre.

Contacté par le journal Médiapart, l’avocat de l’intéressé, William Bourdon, pointe du doigt l’État de Côte d’Ivoire, lequel serait silencieusement à la manœuvre. « Si ces faits, par définition très graves, étaient avérés, il est aberrant que les juges ivoiriens n’en aient pas été saisis. Personne ne peut douter du caractère artificiel et opportuniste de cette démarche », a-t-il déclaré.

De nationalité ivoirienne et française, les plaignants demandent à Guillaume Soro de répondre de la mort en 2004 et 2011 de 5 personnes, membres ou ex-membres de la rébellion, dont il aurait commandité l’assassinat.

Parmi ces 5 hommes figure Ibrahima Coulibaly, alias « IB ». L’ex-sergent-chef de l’armée ivoirienne est devenu un proche du Président Alassane Ouattara pendant que celui-ci était Premier ministre entre 1990 et 1993. IB et ses milices se sont illustrés par des tentatives de putsch : contre le général Robert Guéï qu’ils ont porté au pouvoir fin 1999, puis contre Laurent Gbagbo, élu en 2000. Ils engagent une opération de déstabilisation en septembre 2002, au cours de laquelle, le ministre Émile Boga Doudou est tué. Bien qu’arrêtés, ils parviennent cependant à prendre le contrôle du nord du pays, soit 60% du territoire ivoirien jusqu’en 2011. La réconciliation se fera laborieusement, notamment à la faveur des accords de Marcoussis, conclus sous la pression de Paris. Laurent Gbagbo n’a alors d’autre choix que d’intégrer des rebelles au gouvernement.

Outre le conflit avec l’État central de Côte d’Ivoire, des rivalités féroces traversent également la rébellion. Ainsi, IB et son ancien protégé Guillaume Soro s’affrontent sur l’orientation à donner au mouvement. Le dernier, après avoir dirigé la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), et s’être rapproché d’Alassane Ouattara, a rejoint la rébellion en 2000. Peu à peu, le jeune leader charismatique gagne la confiance de Blaise Compaoré et Alassane Ouattara, soutiens qui lui permettent de rivaliser avec IB dans le but de l’écarter, ce qu’il achèvera de faire fin 2004. L’adversité entre les deux leaders meurt avec la disparition d’IB, tué le 27 avril 2011 avec 6 de ses fidèles. Ce sont précisément les circonstances de ce décès qui inquiètent aujourd’hui Guillaume Soro.

IB, qui dirigeait le « Commando invisible », était avec les Forces nouvelles, opposé à Laurent Gbagbo. Suite à l’arrestation de ce dernier, il aurait été victime d’un guet-apens orchestré par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), une forme de reconnaissance étatique, d’institutionnalisation de la rébellion des Forces nouvelles. Des photos de sa dépouille montreraient qu’IB a été torturé et assassiné.

La seconde partie de la plainte a trait à des faits datant de 2004 et concernent Kassoum Bamba et Abdoulaye Doumbia, deux anciens proches d’IB. Guillaume Soro est ici accusé de crimes de guerre.

Selon une commission internationale d’enquête indépendante, le premier, Kassoum Bamba, aurait été « dépecé » « en plein jour dans la rue à Bouaké ». Le second, Abdoulaye Doumbia, a été retrouvé dans un charnier à Korhogo. La plainte soutient que ces crimes ont été perpétrés par des chefs de guerre « agissant conformément aux ordres de Guillaume Soro ».

Les parties civiles attendent que le parquet de Paris se prononce sur la recevabilité de leur plainte.

Notons que cette action en justice coïncide avec la présence à Paris du Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly. Après avoir subi un examen de coronarographie, lundi, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le candidat désigné du RHDP à la présidentielle d’octobre, prolongera son séjour en France de « quelques semaines ».

Cette nouvelle plainte pourrait-elle donner à Guillaume Soro (qui fête ses 48 ans demain 8 mai), même en France, où il avait trouvé refuge depuis décembre 2019, un sentiment d’insécurité? Assailli sur plusieurs fronts, pourrait-il perdre de vue son ambition présidentielle, et manquer de ressources pour la mobilisation de ses soutiens? Enfin, la descente aux enfers de Guillaume Soro ira-t-elle jusqu’aux geôles de la Cour pénale internationale? D’autant qu’il est visé par une enquête ouverte en 2011 sur les crimes présumés commis par les FRCI et les Forces nouvelles pendant la crise post-électorale.

Teria News

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