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D’ici le milieu de cette année, 250 soldats britanniques viendront renforcer les troupes de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation Mali (MINUSMA). Un engagement modeste en terme d’effectifs, mais non en terme d’ambitions

250 soldats britanniques seront déployés à Gao, dans le nord du Mali, pour renforcer le contingent de 11 600 troupes de la MINUSMA. Cet engagement est le premier pour les troupes britanniques depuis l’Opération Herrick en Afghanistan il y a plus de 5 ans.

Ces derniers mois, les militaires britanniques ont effectué des missions d’entrainement des armées locales ouest-africaines. Au Sénégal, 30 soldats britanniques et membres de la Marine Royale ont entraîné des forces spéciales dans un exercice de contre-terrorisme mené par les États-Unis impliquant plus de 1 600 troupes. Le Royaume-Uni défend une approche proactive en matière de lutte contre le terrorisme. En d’autres termes, il considère que s’il n’agit pas maintenant, en amont, les problèmes sécuritaires frapperont dangereusement à ses portes. Selon cette logique, une présence au Sahel permettrait de prévenir les pires effets sur son sol. Il s’agit de la mission de maintien de la paix britannique la plus importante depuis la Bosnie dans les années 1990.

La MINUSMA considère l’arrivée des renforts britanniques comme un tournant. Le contingent sera engagé dans un nouveau type d’opération, soit des missions de reconnaissance en territoire ennemi pouvant aller jusqu’à 30 jours, et formeront des unités d’intervention rapide. Gao est précisément un des bastions des groupes rebelles, une forteresse terroriste d’où sont menées des attaques.

Et les attaques terroristes se multiplient dans la région. Elles ont fait plus de 5 366 victimes en 2019, déjà 1 214 cette année, et se sont étendues du Mali au Burkina Faso et au Niger voisin. De plus, les tactiques des groupes rebelles se sont raffinées. Les terroristes ciblent désormais les centres économiques, les infrastructures, ce qui permet d’isoler les populations, les bases militaires, et les centres urbains depuis novembre 2019. La MINUSMA décompte déjà 208 morts dans ses rang, une dynamique en augmentation de 600% au Burkina Faso seul en 2019, où l’ONU enregistre 700 000 personnes déplacées au cours des 12 derniers mois. En plus d’affaiblir les autorités centrales, les espaces ravis aux États sont stratégiques en terme de ressources. Les sous-sols de la région regorgent en effet de grandes richesses comme l’or, le pétrole, le gaz, le fer, le phosphate, le cuivre, l’étain et l’uranium. Leur contrôle, en plus de la taxation des résidents locaux, facilite notamment l’achat d’armes. Le Sahel est aussi le lieu d’une alliance inédite. Le général Dag Anderson, commandant des forces américaines en Afrique, a déclaré que tout indique que des groupes affiliés à l’Etat islamique et Al-Qaïda travaillaient de concert pour étendre leur influence en Afrique de l’Ouest.

Le réengagement britannique intervient alors que les États-Unis se retirent, même si les contours ont été enrobés par le secrétaire d’État Mike Pompeo lors de sa tournée africaine à la fin du mois de février. À ce jour, 5 000 soldats américains sont basés en Afrique, dont 1 000 en Afrique de l’Ouest. L’armée américaine est d’un soutien capital aux troupes de l’ONU et à l’opération Barkhane. Elle effectue notamment des missions de ravitaillement en vol, de transport, et de surveillance de drones. Le Pentagone dit vouloir les repositionner en préparation d’un futur conflit avec la Russie ou la Chine, ce que l’institution nomme « La rivalité des grandes puissances », et à cause de l’escalade des tensions avec l’Iran. Signe que le mouvement est déjà amorcé, l’exercice militaire Flintlock mené fin février, n’aurait pu avoir lieu si le Maroc n’avait pas renforcé le matériel militaire requis.

Mais beaucoup déplorent les faibles résultats qu’offre la présence étrangère au Sahel. Pire, elle accuse une perte de terrain face aux groupes rebelles, et est regardée avec une suspicion croissante, en témoignent les manifestations populaires contre les bases militaires françaises, allemandes et américaines. Ses maigres résultats nourrissent également les accusations selon lesquelles, elle poursuit un agenda caché, comme le pillage des ressources naturelles du Sahel.

Assistera-t-on à un déploiement de plus? Le Royaume-Uni risque-t-il comme la France de s’enliser dans un long conflit?

Les soldats britanniques seront en première ligne. Même s’ils ne pourront pas intervenir dans les mêmes capacités, les britanniques profitent du vide créé par le retrait annoncé des États-Unis. Le choix de la ligne de mire vise à compenser le nombre limité de soldats engagés. Cette prise de risque doit aussi être lue dans un contexte de sortie de l’Union européenne (UE). Le Royaume-Uni entend s’affirmer en tant que grande puissance, exister à nouveau sur la carte du globe en dehors de l’UE. Les 250 soldats au Sahel sont un faire-valoir. Le bras de fer entre grandes puissances se jouant aussi sur le terrain du contre-terrorisme, le Royaume-Uni post-Brexit doit retrouver toute sa place dans ce concert des nations.

Teria News

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