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Sénégal : manifestations contre un « coup d’État constitutionnel »

Explosion de colère contre un « coup d’État constitutionnel ». Alors que l’Assemblée nationale examine ce lundi la proposition de report de l’élection présidentielle de février à août 2024, manifestants et opposants scandent « Macky Sall dictateur » devant l’hémicycle. Dans le même temps, les autorités sénégalaises ont coupé l’accès à internet.

C’est la première fois, depuis 1963, qu’une élection au suffrage universel direct est reportée au Sénégal. Le scrutin a été reporté sine die dans le cadre d’un conflit entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, accusé de corruption par le PDS de Karim Wade dont la candidature a été recalée par l’institution au motif de sa renonciation tardive à la nationalité française, incompatible avec une candidature à la magistrature suprême, selon le code électoral.

Mettant en cause la probité de deux juges, le député Mamadou Lamine Thiam a, la semaine dernière et au nom du PDS, demandé la création d’une commission d’enquête sur les conditions de validation des candidatures. Une requête approuvée par l’Assemblée alors que les élus examinent ce 5 février la proposition de report de 6 mois de l’élection présidentielle. L’approbation du texte nécessite une majorité des trois cinquièmes des 165 députés.

Heurts entre manifestants et forces de sécurité

Depuis samedi et le séisme provoqué par l’ajournement du scrutin, l’opposition a été empêchée de se rassembler. Dimanche, les groupes formés sur les places et grands axes du pays ont systématiquement été dispersés par les forces de sécurité à coup de gaz lacrymogènes auxquels ont répondu jets de pierre et pneus brûlés. Au cours de la journée, plusieurs manifestants et opposants comme l’ancienne Première ministre Aminata Touré et la candidate Anta Babacar Ngom ont été arrêtés, la première alors qu’elle sortait de son véhicule et la seconde au motif d’avoir refusé de quitter le point de rassemblement. Toutes deux ont été relâchées par la suite. Le candidat Serigne Mboup lui, annonce l’arrestation de quatre membres de son équipe de communication.

« Dans tous les pays démocratiques du monde, il y a des règles pour manifester. Il faut d’abord déposer une autorisation. On ne peut pas, du jour au lendemain, appeler les gens à descendre dans la rue, sans savoir à quelles fins (…) Le report de l’élection n’est pas du ressort du président de la république. La cohérence la plus banale, c’est de suspendre la décision qu’il a prise le temps que l’Assemblée nationale s’exprime », justifie Abdou Karim Fofana, porte-parole du gouvernement.

Dans ce contexte social tendu, les autorités sénégalaises ont suspendu internet des données mobiles et le média Walf TV a annoncé un « retrait définitif de sa licence par l’État » pour « incitation à la violence ». Evoquant un « coup d’État institutionnel », l’influente Ligue des Imams et Prédicateurs du Sénégal déclare suivre avec beaucoup d’inquiétude la situation nationale avec la « déclaration malheureuse du chef de l’Etat qui a bouleversé le processus électoral et rompu avec la tradition démocratique que connaissait le pays ».

Réactions des chancelleries étrangères

Dans un communiqué publié samedi soir, la CEDEAO demande aux autorités de fixer rapidement une nouvelle date et « exhorte la classe politique à prioriser le dialogue pour l’organisation d’une élection transparente, inclusive et crédible ». L’Union européenne pour sa part, évoque « une période d’incertitude au Sénégal » et appele « tous les acteurs à œuvrer, dans un climat apaisé, à la tenue d’une élection, transparente, inclusive et crédible dans les meilleurs délais », « afin », ajoute un communiqué, « de préserver la longue tradition de stabilité et de démocratie au Sénégal ». Se disant « profondément préoccupés » par ce report du scrutin, les États-Unis ont, dès samedi soir, « exhorté » les acteurs politiques « à s’engager pacifiquement » pour « fixer rapidement une nouvelle date et les conditions d’une élection libre et équitable ».

Annoncé dans la foulée du report de la présidentielle, le dialogue national voulu par le président Macky Sall parait d’emblée compromis. Au vu de la polarisation du climat après l’annonce in extremis du report du scrutin et la colère provoquée, d’aucuns s’interrogent sur les forces politiques qui accepteront d’y participer, mais également sur le mandat de Macky Sall après le 2 avril, date officielle de la fin de sa présidence.

Teria News

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