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Guerre du pétrole : Les États-Unis menacent l’Arabie Saoudite

Joe Biden menace l’Arabie Saoudite de représailles après la décision de l’OPEP+ de réduire la production mondiale de pétrole. Allié à la Russie, le cartel des pays exportateurs de brut inflige un camouflet aux États-Unis et refuse de se soumettre aux intérêts géopolitiques de Washington.

Au-delà de l’humiliation infligée à la puissance américaine, c’est une gifle personnelle assenée à Joe Biden. En mangeant son chapeau lors de sa visite au pays de Mohammed Ben Salman en juillet, le président américain avait joué le tout pour le tout pour faire plier l’Arabie Saoudite, leader de la production mondiale de brut. Oubliée au passage la promesse de faire du prince héritier, indexé dans le dossier de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, un « paria » sur la scène internationale car entre temps, l’emballement des prix à la pompe en amont des Midterms de novembre, a ressuscité la realpolitik.

Rien n’y aura fait. Rassemblé à Vienne le 5 octobre dernier, l’OPEP+, soit les 13 membres de l’OPEP historique menés par l’Arabie Saoudite et les dix pays associés conduits par la Russie, ont décidé de réduire leur production de 2 millions de barils par jour pendant 14 mois.

« Au vu de la décision du jour, l’administration Biden va consulter le Congrès sur les outils et mécanismes supplémentaires permettant de réduire le contrôle (du cartel de pays producteurs d’or noir, ndlr) sur les prix de l’énergie »

Communiqué de la Maison Blanche

« L’ennemi de mon ami n’est pas mon ennemi »

Officiellement, il s’agit d’une décision « purement économique » selon les termes du ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, justifiée par « l’augmentation des taux d’intérêt dans les pays occidentaux » et le « ralentissement de l’économie mondiale ». De plus, représentant à peine 2% de la production mondiale, cette baisse de production reste marginale. Mais officieusement, l’Arabie Saoudite notifie ainsi aux Etats-Unis son non-alignement sur sa politique étrangère et sa volonté d’asphyxier la Russie, ennemi déclaré de Washington depuis son entrée en guerre contre l’Ukraine.

Eminemment politique, le contre-pied saoudien révèle une entente entre Mohammed Ben Salman et Vladimir Poutine et dessine une alliance des « parias ». Plus encore, il annonce une inflexion dans les relations privilégiées qu’entretiennent l’Arabie saoudite avec Washington. Pilier de sa politique au Moyen-Orient, en particulier face aux ambitions de l’Iran et de sa guerre contre le terrorisme, Riyad prend ses distances avec les États-Unis. Sur le plan géopolitique, le prince héritier saoudien refuse le suivisme de l’Europe, seule à s’aligner sur les sanctions énergétiques de Washington contre la Russie, bien que grinçant déjà des dents sur les prix du gaz naturel liquéfié vendu par l’Amérique à ses alliés européens 4 fois plus cher qu’à ses industriels, selon le ministre français de l’économie. Sur le plan personnel, Mohammed Ben Salman tient sa revanche sur Joe Biden.  

L’Arabie Saoudite menacée de représailles

Dans une interview accordée à « CNN », mardi soir, le président américain a déclaré qu’il y avait « certaines conséquences à ce que les Saoudiens avaient fait avec la Russie ».

« Je ne vais pas parler de ce qui tourne dans ma tête, mais il y aura des conséquences », […] « Le moment est venu pour Washington de repenser sa relation avec l’Arabie saoudite ».

Joe Biden, président des États-Unis

Le président américain pourrait faire allusion au No Oil Producing and Exporting Cartels Act (NOPEC), un projet de loi qui exposerait les pays de l’OPEP à des poursuites judiciaires pour « complot en vue de faire monter les prix du brut », en vertu de l’extraterritorialité du droit américain. « Ce que l’Arabie saoudite a fait pour aider Poutine à poursuivre sa guerre méprisable et vicieuse contre l’Ukraine restera longtemps dans les mémoires des Américains », a déclaré Chuck Schumer, le chef de la majorité démocrate au Sénat. « Nous examinons tous les outils législatifs pour faire face au mieux à cette action épouvantable et profondément cynique, y compris le projet de loi NOPEC », a-t-il ajouté.

Bénéficiant d’un consensus bipartisan, le NOPEC a été approuvé par le Comité judiciaire du Sénat en mai. Si voté par les deux chambres du Congrès, le texte violerait de facto la souveraineté des pays exportateurs de pétrole et amorcerait une dangereuse escalade.

Teria News  

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