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« Les Héroïnes » : Amanirenas, la Candace borgne   

C’est la femme la plus puissante que l’Afrique ait connue. La Candace Amanirenas repoussa et tint en respect l’empire romain loin des frontières du royaume de Kush. Elle incarne la majesté de sa lignée : les Candaces, équivalent féminin de Phararon.

De son nom complet, Amnirense qore li kdwe, la Reine Amanirenas est une Reine Candace, en d’autres termes, une souveraine du royaume de Kush qui naquit vers l’an 60 avant J-C. Autrefois situé au sud de l’Égypte et aujourd’hui dans une région du Soudan, le royaume de Kush naît de l’indépendance de la Nubie auprès de l’Égypte antique. Sa capitale fut d’abord la ville de Napata, puis l’île de Méroé, une ville antique connue pour ses nécropoles à pyramides.

Le royaume de Kush connut plusieurs Candace. La Reine Amanirenas fut la deuxième et sera l’une des plus célèbres de l’histoire.

Une Reine ceinte de bravoure    

Les Reines Candace étaient guerrières, régentes ou mères de souverains. Selon les inscriptions méroïtiques, le titre « Ameniras, Qore et Kandake » laisse entrevoir que la Reine Amanirenas contrôlait les pouvoirs politique et militaire. Son histoire commence en l’an 3 avant J-C au moment même où Rome établissait sa domination sur l’Égypte. Épouse du Roi Teriteqas, une fille naquit de cette union, la Candace Amanishakéto.

À cette époque, le gouverneur romain Cornellius Gallius essaie d’imposer des taxes sur la basse Nubie. Cette dernière étant sous le contrôle du royaume Kush, les Kushites se révoltèrent sous le commandement du couple royal. Plusieurs attaques eurent lieu en riposte à cette nouvelle imposition. Malheureusement, le Roi périt au combat. Mais ce dernier sera poursuivi par sa femme, la Candace Amanirenas aux côtés du Prince Akinidad, fils du Roi. Le règne de la Reine Amanirenas dura environ trente années, de l’an 40 à l’an 10 avant notre ère. Surnommée par les Romains « la Candace Borgne », parce qu’aveugle d’un œil qu’elle aurait pu perdre sur le champ de bataille, la Reine Amanirenas n’en est pas moins décrite comme une Reine féroce.

Cette réputation découlera surtout de la grande guerre qu’elle opposera aux Romains de l’an 27 à l’an 22 avec son armée kushite, afin de protéger son royaume contre l’empire suite au décès de son époux. Cette longue guerre qui se solda par un succès, se déroula en plusieurs batailles. La Reine Amanirenas jouera un rôle majeur, sinon essentiel, lors des nombreuses batailles.

Une première campagne victorieuse   

Profitant d’une absence de Caïus Aelius Gallus, alors préfet, encore appelé Premier magistrat d’Égypte, les Kushites dirigés par la Reine Amanirenas, lancèrent une attaque contre l’Égypte romaine en l’an 24 av J-C. Accompagnée du Prince Akinidad, elle mènera cette rude bataille contre les troupes romaines près de la ville de Syène, située sur la rive droite du Nil, ainsi que sur l’île de Philae. Au cours de cette campagne militaire, l’armée nubienne épargnera cependant les Juifs de l’île Éléphantine.

Les troupes kushites rentreront avec la tête extraite d’une statue du glorieux Empereur romain Auguste César que la Reine fera enterrer sous les marches d’un temple dédié à sa victoire. De cette façon, chaque personne qui en entre ou en sort, piétine la tête de l’ennemi. Découverte en 1912 sur l’île de Méroé, cet objet se trouve aujourd’hui au British Museum de Londres.

Un traité de paix historique avec Rome

En l’an 25, les troupes de la Reine Amanirenas attaqueront toute une série de forts romains dans le sud de l’Égypte. Menés par la Candace et malgré la première victoire obtenue sur les Romains, les Kushites finiront par être chassés d’Égypte par Gaius Peteonius, le nouveau préfet d’Égypte, ce qui permit aux Romains d’établir une nouvelle frontière dans la ville de Hiere Sycaminos.

En l’an 21-20 av. J-C, un traité de paix est alors conclu entre les deux puissances sur la base des négociations avec Auguste César dans la ville de Baroua. Favorable au royaume de Kush, ce traité durera environ quatre siècles et fera de Baroua le phare de l’Afrique pendant 300 ans. La Nubie sera exemptée de payer un tribut à Rome et les soldats romains se retirèrent des terres nubiennes.

Vers l’an 10 avant J-C, la Reine mourut. Les circonstances de sa mort sont inconnues. Elle est enterrée sur le site d’un célèbre temple dédié du dieu Amon à Napata, dénommé Gebel Barkal. À sa mort, sa fille Amanishakéto deviendra Candace à son tour.

La Candace Amanirenas célébrée par l’histoire

De nombreuses œuvres seront dédiées au courage hors du commun de la Reine Amanirenas. Elle a en effet le mérite d’avoir repoussé l’invasion romaine. Sa figure est associée au symbole de la victoire et de la bravoure féminine, plus précisément au symbole d’une héroïne noire provenant d’un continent longtemps considéré comme ayant découvert la civilisation par le biais d’autres peuples, notamment coloniaux.

Par ailleurs, son handicap ajoutera à son mythe. Elle sera qualifiée par les Gréco-Latins de « masculine ». Les mêmes évoqueront « un courage au-dessus de son sexe ». C’est l’historien grec Strabon qui utilisera pour la première fois le terme « féroce » pour la qualifier. En 1987, le scénariste Américain Mark Rosenthal lui consacrera son film Warrior Queen (Reine Guerrière).

On retient de l’histoire de la Candace borgne, qu’elle aura permis, une fois de plus, aux Afro descendants de pouvoir s’identifier à cette période glorieuse de leur passé, son histoire se déroulant à une ère où le plus puissant État du continent, avait à sa tête une femme extraordinaire qui a pu réussir à préserver sa souveraineté face à l’empire le plus puissant du monde. Ses exploits militaires, son audace et son hardiesse à préserver son pays, lui valent aujourd’hui le titre de la femme la plus puissante que l’Afrique ait connue.

Maggy Lynn

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