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Terminus de Barkhane et Takuba au Mali

Barkhane et Takuba se retirent du Mali. En préparation depuis quelques jours, la décision de Paris et ses partenaires européens a été actée ce jeudi. Le Niger est le nouveau pivot de la présence étrangère au Sahel.

La question n’était pas si la France et ses partenaires européens au sein de Takuba se retireront du Mali, mais plutôt quand. Attendue et préparée depuis plusieurs jours, l’annonce est tombée ce jeudi dans un « communiqué conjoint » qui justifie ce retrait par la dégradation des relations avec les autorités maliennes de Transition.

« En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les États européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations »

Communiqué conjoint

« Les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies », affirment les partenaires européens qui ont décidé leur « retrait coordonné » du Mali. Toutefois, ces pays assurent également leur « volonté de rester engagés dans la région » et d’étendre leur action aux pays du golfe de Guinée. Le président béninois Patrice Talon était d’ailleurs partie au mini sommet de la veille.

Dans son allocution, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture des bases maliennes de Gossi, Menaka et Gao. Le président français a également présenté la nouvelle approche de Paris au Sahel laquelle, ne se base plus sur le pilier militaire mais sur des programmes civils et sociaux auxquels l’action militaire pourra se greffer en complément « lorsqu’elle est nécessaire ». A cet égard, l’« Alliance pour le Sahel » sera le canal privilégié de financement de programmes par la France au Mali, à condition, affirme Emmanuel Macron que les sommes versées ne soient pas « détournées ».

Si l’hostilité de Bamako est mise en cause, rappelons que ce retrait est avant tout le fruit de la vigilance des peuples malien et français, dans un contexte de campagne présidentielle pour les derniers.

Rôle pivot du Niger confirmé

Comme déjà amorcé lors du dernier sommet extraordinaire du G5 Sahel tenu en juillet 2021, le repositionnement des forces françaises et européennes au Niger se confirme. Fortement sollicité, Mohamed Bazoum doit aussi composer avec son opinion nationale, qui voit d’un mauvais œil le rôle de « refuge » des forces européennes que joue désormais son territoire national après avoir été repoussées du Mali. A cet égard, la « réarticulation » de Barkhane et Takuba reste floue, les détails seront donnés progressivement. Emmanuel Macron a avancé un délai de 4 à 6 mois pour quitter le Mali. Il apparait déjà difficile à tenir. Lancée en septembre 2017 par le Ghana, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo, l’Initiative d’Accra sera un des points d’appui de la stratégie européenne dans la région.

Par ailleurs, en plus des pays européens membres de Takuba, les Etats-Unis étaient représentés à l’Elysée mardi. Washington entend maintenir son engagement au Sahel. C’est une présence discrète, loin des yeux de l’opinion publique américaine, mais cruciale pour la France qui reçoit 50% de ses renseignements du dispositif américain. Rappelons que Donald Trump avait annoncé un retrait du Sahel. Mais son successeur, Joe Biden, a fait marche arrière, et même renforcé la présence des Etats-Unis dans la région, notamment à cause de la rivalité qu’entretienent Washington et Moscou.

Emmanuel Macron « récuse complètement » le terme d’échec

Interrogé par la presse, le président français ne reconnait aucun échec de la présence militaire française au Mali. Pourtant, il est difficile de ne pas parler de débacle française, à peine amortie par la présence de Charles Michel, président du Conseil européen aux côtés d’Emmanuel Macron et comparable à la défaite française de Diên Biên Phu, alors précurseur de l’effondrement de l’empire colonial français. C’est bel et bien la France qui, après 9 ans d’action militaire, d’abord avec l’opération Serval, puis Barkhane et enfin Takuba de façon poussive, a failli à sa mission, les groupes terroristes n’ayant cessé de gagner en influence.

Reconduisant ses accusations à l’égard des autorités maliennes de Transition, qualifiées d’illégitimes, au cours du mini-sommet de mardi rassemblant notamment les Etats du G5 Sahel (à l’exception du Mali et du Burkina Faso), la France a tout de même accueilli le Tchad, dont elle a validé le coup d’Etat institutionnel, Emmanuel Macron étant alors le seul chef d’Etat occidental à assister à l’investiture de Mahamat Déby. Une exception justifiée selon Paris, par les défis sécuritaires rencontrés par le Tchad. Courtoisie que Paris refuse d’étendre au Mali dont les autorités de Transition affirment être dans une configuration similaire. Un deux poids deux mesures qui discrédite la France et participe de la dégradation de son image sur le continent africain.

Teria News

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