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L’effet Zemmour : la tempête qui vient sur l’Hexagone ?

Avec « L’effet pangolin : la tempête qui vient en Afrique ? » publié en mars 2020, le ministère français des Affaires étrangères prévoyait une déstabilisation du continent. Tel un « virus politique », le Covid-19 aurait dû balayer les régimes du Sahel. Et si l’effet Zemmour devenait le « virus politique » qui déstabilisera la France, comme Trump les États-Unis ? Analyse.  

En matière sanitaire comme sur le plan politique, l’Afrique a déjoué tous les scénarios catastrophes imaginés par les meilleurs esprits qui font la réputation des centres de prospective occidentaux.

En mars 2020, le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère français des Affaires étrangères publiait une note anticipant la déstabilisation du continent africain par les défis politiques suscités par la pandémie de Covid-19. Dans son document intitulé : « L’effet pangolin : la tempête qui vient en Afrique ? », le CAPS avançait que « L’onde de choc à venir du Covid-19 en Afrique pourrait être le coup de trop porté aux appareils d’État », « un virus politique » où « l’État va faire massivement la preuve de son incapacité à protéger ses populations ». Toujours selon le CAPS, les « régimes fragiles » du Sahel et « en bout de course » en Afrique centrale pouvaient être balayés car cette crise aurait pu « être le dernier étage du procès populaire contre l’État, qui n’avait déjà pas su répondre aux crises économiques, politiques et sécuritaires » précédentes. Le Covid-19 aurait encore pu enfoncer le continent dans une « déstabilisation durable », en amplifiant « les facteurs de crise des sociétés et des États » où les mesures de confinement « saperont l’équilibre fragile de l’informel, économie de survie quotidienne essentielle au maintien du contrat social ».

Un « Guantanamo à la française », qui dit mieux ?

Jugée de mauvais goût par les chancelleries africaines, la funeste note du CAPS a suscité un tollé. Aujourd’hui, l’esprit de ses conclusions pourrait se retourner contre la France face à l’effet Zemmour. Même s’il recule légèrement dans les sondages, le polémiste, mué en candidat officiel le 30 novembre, était un temps projeté au second tour de l’élection présidentielle d’avril prochain. Sans boule de cristal pour confirmer ou infirmer les hypothèses d’instituts de sondages souvent démentis par l’issue des urnes, il reste pertinent de considérer qu’Eric Zemmour est une force d’influence qui droitise de débat public français et contribue à la libération, comme la banalisation de la parole raciste. Hautement toxique, l’atmosphère est polluée par une surenchère verbale qui a depuis longtemps franchit le Rubicon, notamment avec l’appel à la création d’un « Guantanamo à la française » pour « empêcher d’agir des bombes humaines » (réfugiés et toutes sortes d’étrangers non désirables, pour les âmes sensibles), lancé le 10 novembre dernier par Eric Ciotti, député et candidat « Les Républicains » à l’investiture pour la présidentielle.

Toutes les limites ont été repoussées, les étrangers ou toute personne se revendiquant d’une double culture sont continuellement offensés dans l’espace public, au nom d’une conception globalement Blanche, Masculine et Chrétienne de la liberté d’expression, laquelle envahit sans ménagement l’espace privé via le petit écran.

La France face au virage du populisme

Entre le choix de la date d’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, celui d’utiliser en fond la 7e Symphonie de Beethoven, de se munir d’un micro et d’un décor gaullien, le candidat d’extrême droite navigue délibérément entre les registres comique et rétro. Objectif : parler à ses fans nostalgiques d’une certaine idée de la grandeur française et embrouiller ses adversaires en passant pour un bouffon. Embrasser ainsi le ridicule comme Trump (dont il se revendique) en 2016, lui permet de sembler inoffensif. En somme, Eric Zemmour enfume pour avancer ses pions sans crier gare, en particulier après avoir été ultra médiatisé, ce qui équivalait à se voir placer une cible sur le torse. Qui a besoin de ça ?

Eric Zemmour est plus qu’un trublion. Mais jusqu’où ira-t-il et quelles conséquences pour l’image de la France ? Avec la violence de cette campagne présidentielle française, le monde entier s’apercevra que la France n’est pas le pays humaniste, généreux, des Droits de l’Homme qu’elle prétend être et assume désormais sa xénophobie et son islamophobie, encouragées et représentées par sa classe politique. À l’instar de l’effet des frasques de Donald Trump pour les États-Unis, son image pourrait ne jamais s’en relever, surtout si le polémiste se hissait effectivement au second tour en avril 2022 face à Emmanuel Macron…. Ou même Marine le Pen. Le chantre du déclin français et apôtre de la théorie fumeuse du grand remplacement pourrait paradoxalement être le fossoyeur du prestige de l’Hexagone.

Teria News

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