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« Les Héroïnes » : Ravalona III, la dernière Reine de Madagascar

Icône Noire, Ravalona III est un symbole de la combativité des souverains africains face aux assauts des puissances coloniales. De 1883 à 1897, cette reine réformatrice modernisa la monarchie et opposa une âpre résistance au colon français. Retour sur les exploits de son règne.

Avant le 19ème siècle, Madagascar dont l’histoire coloniale est marquée par la traite des esclaves, était constituée de plusieurs royaumes divisés par des conflits identitaires. Originaire de l’île d’Imerina, la dernière Reine de Madagascar, de son vrai nom Razafindrahety, naquit le 22 Novembre 1861 dans les hautes terres du centre du pays. Elle prit le pouvoir le 30 Juillet 1883 après le décès de sa sœur aînée Ranavalova 2 le 13 juillet 1883, celle-ci n’ayant pas donné de descendance.

Sa régence fut marquée par une conciliation avec les aristocrates du royaume, la modernisation de la monarchie mais également, une grande ingéniosité dirigée contre les tentatives coloniales d’annexion de l’île.

Par son mariage arrangé avec l’aristocrate Rainilaiarivony, un militaire de loin plus âgé qu’elle, époux des trois dernières reines de Madagascar mais pétri d’expérience politique, elle accéda au trône à l’âge de 22 ans. En dépit de ce jeune âge, elle prit très tôt conscience de son rôle uniquement cérémoniel, l’oligarchie aristocrate locale détenant le réel pouvoir. Il faut dire qu’après le règne glorieux de la Reine-Gouvernante, Ravalona Ière, le royaume fut marqué dès 1863, année du sacre de Ravalona II, par une série de successions féminines notamment honorifiques, l’essentiel du pouvoir exécutif étant détenu par le Premier ministre.

Ravalona III, Reine réformatrice et guerrière

Si la tradition malgache exigeait jusque-là la présence des militaires à chaque nouvelle intronisation, Ravalona III modifia le protocole en imposant la présence de 500 garçons et 400 filles issus des meilleures écoles de la capitale Antananarivo, insufflant ainsi une ère de modernisation dans le royaume.

Point stratégique entre l’Afrique, l’Asie et le Golfe persique et regorgeant de richesses naturelles, la Grande île fut convoitée par plusieurs puissances coloniales. Suite à l’échec de la tentative de déstabilisation menée par la France dans les années 1650, les Portugais et les Anglais développèrent un important commerce avec l’île sans toutefois pouvoir la coloniser. Les expéditions françaises se succédèrent cependant, malgré la volonté de la Reine de sauvegarder l’indépendance du pays. Le traité de Zanzibar en 1885, scella malheureusement son sort et établit un protectorat français. À l’issue de la rude bataille de 1895 et d’énormes pertes en vies humaines côté français, l’île devint une colonie française, mettant ainsi un terme au règne de Ravalona III.   

En 1896, des mouvements de résistance éclatèrent sur l’île, menés par des rebelles qui prétendirent agir au nom de Ravalona III. Malgré la supercherie découverte, le général Gallieni, Gouverneur de l’île, fut contraint d’exiler la Reine à La Réunion puis à Alger.

Trophée de guerre, Ravalona III dépérit en exil

Lors de ses voyages, l’accueil des français fut surprenant. À chacune de ses sorties, les foules se précipitèrent à sa suite : Hôtel de ville de Paris, Arcachon, Gare Saint Jean de Bordeaux… Dans un extrait de journal paru en 1901 commentant la visite de la Reine à Arcachon, on pouvait lire : « L’aspect de la reine est intelligent et même heureux ; sa physionomie indique qu’elle a conscience d’une certaine grandeur, son attitude et ses allures sont plutôt distinguées ; ses regards sont vifs, sa démarche est fière et ne manque pas de grâce ». D’aucuns se demandent si une telle attention était simplement due à sa royauté ou plutôt à la curiosité de découvrir un « animal habillé » et « noir de peau » ? Une centaine d’articles de presse ayant couvert sa première visite à Paris en 1901, ses biographes iront jusqu’à affirmer qu’elle fut la première vedette de la presse populaire française.

Traitée avec les honneurs dus à son rang mais contrainte à une vie sous surveillance, sans aucun contact avec son île, elle finit sa vie loin des siens, dans une existence oisive qui la fit sombrer dans la dépression et certains membres de sa suite dans l’alcoolisme. Elle meurt en exil à Alger le 23 Mai 1917 à l’âge de 55 ans, après 20 ans loin de sa terre natale. Inhumée au cimetière Saint Eugène à Alger, ses cendres furent exhumées et rapatriées à Madagascar en 1938 où elles reposent désormais aux côtés de celles qui l’ont précédée, dans le tombeau des Reines du Palais royal « Rova » à Antananarivo.

Si les exploits de son règne souffrent encore d’une relative méconnaissance, Ravalona III, adulée par la noblesse malgache, repose dans la mémoire populaire. Sa vie fut d’abord circonscrite par les siens à une régence qui, en réalité, ne fut pas sienne puis, à l’étranger par l’occupant Français à une vie d’exil afin de prouver son renoncement, à l’image du Roi Béhanzin et de nombreux autres. À l’instar de ces derniers, Ravalona III, succombera face à la cruauté et la perversité de gouvernants coloniaux refusant tout retour de ces êtres arrachés à une part de leur identité.

Réputée pour sa douceur et la tristesse de son regard, son exil et le dépouillement de son autorité lui confèrent aujourd’hui le statut d’Icône malgache et africaine.

Maggy Lynn

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