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Soudan : 11 avril 2019 – 11 avril 2020, premier anniversaire de la chute d’Omar el-Béchir. Le symbole tombé, le quotidien des soudanais ne s’est toujours pas amélioré

Lorsque le mouvement s’est déclenché en décembre 2018, peu d’observateurs pariaient sur ce dénouement. En décembre 2019, le triplement du prix du pain jette dans la rue des milliers de manifestants.

En 4 mois, les manifestants ont eu raison de 30 ans de pouvoir. Le renversement d’Omar el-Béchir a ouvert le champ des possibles, et soufflé un vent d’espoir, qui ne pourra qu’inspirer de futurs mouvements de soulèvement populaire contre des régimes oppressifs, lesquels s’imposent aux peuples en violation du principe fondateur de contrat social. La pression populaire a eu raison de la loyauté des chefs militaires envers Omar el-Béchir. Pour l’armée, le sacrifier était le seul moyen d’assurer sa propre survie.

Ceci dit, la destitution d’Omar el Béchir est-elle l’ultime trophée de la rue ? Après sa chute, qu’est-ce qui a vraiment changé? La révolution comme elle l’a en partie été en Algérie par une frange de l’élite du régime Bouteflika (celle qui a remporté le bras de fer impitoyable, sous forme de purge, qui s’est joué au sommet du pouvoir après la démission de l’ancien président), a-t-elle été confisquée par l’armée? Où en est la transition politique?

En août 2019, après une résistance farouche à l’idée d’un gouvernement dirigé par une personnalité civile, et suite à des mois de tractations avec des représentants de la société civile, les militaires acceptent la formation d’un nouveau gouvernement. À 63 ans, Abdallah Hamdok, ancien analyste à la Banque africaine de développement (BAD) et à la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, en prend la tête.

Les manette en mains, le Premier ministre du gouvernement de transition lance un plan d’urgence de redressement économique. Il renoue également avec les institutions de Bretton Woods. Le Fonds monétaire international (FMI) considère que le pays, étouffé par une dette de plus de 150 milliards de dollars, peut intégrer la catégorie des pays pauvres très endettés, ce qui lui permettrait de prétendre à un allègement de sa dette. Mais l’inscription du Soudan sur la liste noire américaine des États soutenant le terrorisme empêche l’accession à ce mécanisme.

Pénuries de farine, d’essence, coupures à répétition d’eau et d’électricité, aujourd’hui encore les soudanais ploient sous le poids d’une économie exsangue. Selon le FMI, une amélioration passerait par « par des réformes politiques », une « libéralisation progressive du taux de change », ou encore une modernisation de la banque centrale. La BAD pour sa part, évoque l’accroissement par le Soudan de son « capital naturel, comme les terres et les pâturages », accompagné d’investissements « dans l’agriculture, l’horticulture, les cultures arboricoles et l’élevage ».

Politiquement, sur le plan interne, peu de choses ont changé. Le système mis en place sous Omar el-Béchir continue de profiter aux mêmes privilégiés, au premier titres desquels, les militaires. Sur le plan international, le pouvoir a travaillé à sa réhabilitation, en particulier auprès des États-Unis, afin d’obtenir sinon une levée, du moins un allègement des sanctions économiques, notamment aux prix de grands retournements politiques, comme le rapprochement avec Israël. Le Soudan lisse aussi son image auprès de l’Europe et du reste de la « communauté internationale », avec notamment la levée de l’opposition au transfèrement d’Omar el-Béchir à la Cour pénale internationale. Et les efforts de Khartoum ont en partie porté des fruits. Le 5 mars dernier, la Banque centrale du Soudan a annoncé qu’en application d’une décision remontant à octobre 2017, l’administration américaine a levé des sanctions frappant jusqu’alors 157 entreprises soudanaises. Par ailleurs, au travers du FBI, les États-Unis se sont empressés de s’engager à aider le Soudan dans l’enquête sur l’attentat manqué du 9 mars contre Abdallah Hamdok. Toutefois, les effets tardent à se faire ressentir. De plus, le Soudan est toujours sur sa liste noire des pays soutenant le terrorisme. Washington souhaite ainsi garder un levier de pression sur Khartoum, afin de mieux pouvoir orienter la transition politique.

Dans un pays où deux tiers de la population a moins de 25 ans, l’espoir d’un changement politique et économique durable ne s’est pas éteint. En outre, la population continue de réclamer justice concernant le massacre du 3 juin 2019 qui a fait une centaine de morts et plus de 500 blessés.

Teria News

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