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33e Sommet de l’Union africaine (UA)

Sous le thème: « Faire taire les armes », le président sud-africain Cyril Ramaphosa succède à l’égyptien Abdel Fatah al-Sissi pour un an à la tête de l’organisation.

Géant aux pieds d’argile, Syndicat de chefs d’Etat mal élus, Machin, sont parmi les sobriquets dont est affublée l’organisation. Objet de railleries constantes, en particulier sur le continent africain, l’Union africaine accumule les engagements sans toutefois tenir ses promesses. Cette année, face à l’urgence des crises sécuritaires au Sahel et en Libye, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement s’est ouverte sous le thème: « Faire taire les armes ». L’échéance de 2020 et l’ambition affichée dimanche et lundi ont fait écho à l’engagement pris par l’institution en 2013 de « mettre un terme à toutes les guerres en Afrique d’ici à 2020 ». En amont de ce 33e sommet, au vu du bulletin de santé du continent en matière de sécurité, le souvenir de ces mots n’a pas manqué de faire sourire. L’UA peut-elle n’être cantonnée qu’à l’incantation, la rhétorique, et la sémantique? L’organisation sans se préoccuper de la faisabilité de promesses, se contente-t-elle d’énoncer des vœux pieux?

La présidence égyptienne passe sans être regrettée, tant son bilan est maigre. La Libye en particulier soulève contre le maréchal Sissi les critiques les plus acerbes. L’Egypte, seul acteur continental sérieux dans le dossier libyen, est indexée par les diplomates de l’UA pour le sabotage des initiatives de l’organisation, et pour avoir tout fait pour ne pas impliquer les instances africaines dans la poursuite de la paix dans le pays. Accusée de mener un agenda distinct de celui de l’UA, on chuchote dans les couloirs de l’organisation que le Caire a préféré s’entourer de ses alliés saoudiens et émiratis en soutien officieux au maréchal Khalifa Haftar. Par ailleurs l’Egypte n’a rien fait pour faire avancer les chantiers ouverts par son prédécesseur.

La dernière présidence ambitieuse de l’UA fut celle du président rwandais. Paul Kagame a démontré qu’il est possible de sortir l’UA de son inertie, mais à condition de mobiliser une ferme volonté politique. De 2018 à 2019 Paul Kagame a œuvré à faire sortir la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), un projet qui facilitera les échanges intra-commerciaux entre pays africains, du simple champs lexical de l’UA, en parvenant notamment à vaincre les réticences du Nigéria. Son passage à la tête de l’organisation montre que les hommes peuvent en partie et temporairement pallier aux carences des institutions. Le président rwandais s’est aussi personnellement impliqué dans la réforme de l’UA, en abordant la question tout aussi épineuse que cruciale du financement d’une institution tributaire à près de 80% de fonds étrangers.

Cyril Ramaphosa a déclaré lors de sa prise de fonction: «Nous allons concentrer notre travail sur la résolution des conflits». Selon le président sud-africain, les missions de maintien de la paix africaines doivent « jouir d’un financement prévisible garanti par des contributions obligatoires ». Le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat a évoqué « le terrorisme, les conflits intercommunautaires et les crises pré- et post-électorales », comme les fléaux auxquels l’institution, sous présidence sud-africaine, souhaite s’attaquer en priorité. Au cœur du sujet, figure la Libye. L’ONU par la voix de son secrétaire général Antonio Guterres s’est dit favorable à l’organisation d’un Forum de réconciliation inter-libyen sous l’égide de l’UA et s’est engagé à travailler plus étroitement avec l’organisation régionale. Sur fond de rivalité entre les deux organisations, il a dit comprendre la « frustration » de l’UA, jusqu’à présent « mise à l’écart » dans le dossier libyen et désirer un « nouveau cadre de coopération » entre l’UA et l’ONU.

Il est aisé de critiquer l’UA. Cependant les défis auxquels l’Afrique est confrontée condamnent à espérer. Et ce, même en une organisation qui n’a fait que décevoir, à quelques exceptions près. En effet, l’UA active en Centrafrique et au Soudan a joué une certaine partition dans la résolution de la crise post Omar el-Béchir, et la signature de l’accord de Bangui en 2019.

Cyril Ramaphosa a annoncé deux sommets en mai prochain. Le désormais président en exercice de l’UA a convié ses homologues pour aborder les questions de sécurité et la mise en œuvre de la ZLECA. Au nombre des raisons d’espérer: la position relativement neutre de l’Afrique du Sud en Libye et au Sahel, le pays n’étant ni partie prenante de ces conflits, ni vendeur d’armes. Charge au président sud-africain de prouver son engagement par des avancées au-delà des annonces, qui jusqu’à présent, à défaut d’initier des progrès tangibles, n’étaient destinées qu’à donner l’illusion de mouvement.

Teria News

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