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Mali : négociations avec les terroristes, nouveau pied de nez de Goïta à Macron

Rupture historique dans la stratégie anti-terroriste malienne. Bamako a mandaté le Haut Conseil Islamique pour qu’il négocie avec les chefs terroristes. Demandés par une majorité de maliens, ces pourparlers avaient été abandonnés par IBK. L’ancien président malien avait cédé aux pressions de la France.

Les autorités de transition maliennes ont mandaté le Haut Conseil Islamique pour ouvrir des pourparlers avec le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag Ghaly, et avec la Katiba Macina d’Amadou Kouffa. Liés à al-Qaïda, ces deux groupes terroristes contrôlent des pans du territoire malien et mènent des attaques quasi quotidiennes dans le nord et le centre du Mali.

En froid avec la France, le Mali d’Assimi Goïta change de paradigme dans sa stratégie anti-terroriste. Longtemps guidée par Paris, à qui, a souvent été reprochée de se borner à une stratégie dite du « tout militaire », en entamant un dialogue avec les chefs terroristes, Bamako porte un nouveau coup de canif dans l’accord de coopération avec l’Hexagone. En effet, si la population malienne a toujours soutenu la perspective de pourparlers avec les rebelles, les autorités elles, se sont montrées plus frileuses.

En 2020, l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) avait avoué avoir ouvert des canaux de communication avec Amadou Koufa et Iyad Ag Ghal. « J’ai le devoir et la mission de créer tous les espaces possibles et de tout faire pour que, par un biais ou un autre, nous parvenions à un apaisement. Il est temps que certaines voies soient explorées […]. Nous ne sommes pas des gens butés, bloqués ou obtus. », avait alors expliqué IBK. Mais l’ancien président a été presque contraint à cette déclaration aux airs de confessions, tant cette démarche était mal assumée par son régime, soumis à l’allié français. Malgré l’échange de quelques militaires maliens contre des détenus rebelles, les déclarations d’Amadou Koufa qui s’est dit personnellement « prêt à faire une trêve », le dialogue national inclusif de 2019 qui a prôné le dialogue avec les chefs rebelles, IBK a fini par céder aux injonctions de la France contre l’avis de son peuple.

Suivre la France ou leur peuple: le dilemme des dirigeants maliens

« On ne peut pas souffrir d’ambiguïté » et mener des opérations « avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants »

Emmanuel Macron

La question de l’opportunité d’un dialogue avec les terroristes cristallise en quelques sortes les tiraillements et les conflits de loyauté des dirigeants maliens entre le peuple souverain malien et la France. « Il faut être intraitable avec le terrorisme, mais il faut être aussi extrêmement ferme à l’égard du pouvoir malien », avait déclaré François Hollande, avant d’ajouter : « L’idée que l’on pourrait avoir des négociations avec ceux-là mêmes qu’on cherche à frapper me paraîtrait un manquement par rapport aux engagements qui avaient été pris au moment du départ de cette opération ». « On ne peut pas souffrir d’ambiguïté » et mener des opérations « avec des pouvoirs qui décident de discuter avec des groupes qui, à côté de cela, tirent sur nos enfants », avait dans la continuité de son prédécesseur, martelé Emmanuel Macron, justifiant notamment ainsi la distance prise avec les autorités maliennes de transition.

La négociation avec les terroristes est l’amorce d’une solution politique, longtemps le parent pauvre de la stratégie anti-terroriste dans la région, mais est-elle pour autant une solution miracle ? Pour pouvoir valablement défendre ses intérêts, l’État malien a besoin d’être en position de force, ce qui n’est pas gagné à ce jour. Une savante combinaison des approches militaire et politique se dessine comme la stratégie à explorer, et vers laquelle se tourne Bamako. La Mali pourrait à cet égard faire figure de précurseur au Sahel. Si cette méthode s’avérait payante, elle pourrait faire des émules chez ses voisins.

Teria News

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