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Ousmane Sonko tacle Emmanuel Macron sur la présence militaire française en Afrique

Réponse cinglante d’Ousmane Sonko aux propos d’Emmanuel Macron sur la présence militaire française en Afrique. Récusant l’idée d’un retrait négocié avec les pays africains, le Premier ministre sénégalais affirme qu’« aucune discussion ou négociation n’a eu lieu » entre Paris et Dakar qui a pris une décision souveraine. Il rappelle également que la France, loin d’être le garant de la sécurité du continent, « a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Lybie ». Emmanuel Macron aurait-il manqué une occasion de se taire ?

Les propos d’Emmanuel Macron, émis devant le corps diplomatique français lundi 6 janvier, continuent de faire des vagues en Afrique. Dans une posture de déni sur le bilan de la politique française en Afrique et plus particulièrement celui de ses engagements militaires dans la lutte antiterroriste, le président français a décerné à ses services un satisfecit qui tranche avec la réception de l’action hexagonale par les opinions publiques africaines.

De dénis en mea culpa et « humilité » de façade, de réajustements planifiés en retraits forcés, l’Élysée cafouille, titube et poursuit irrémédiablement sa chute sans fin en Afrique. La Conférence des ambassadeurs a donné lieu lundi, à une salve confondante à la gloire de la France en Afrique alors que tous les indicateurs en prouvent le déclin. Empreinte d’arrogance, elle allait jusqu’à accuser les dirigeants africains d’ingratitude envers l’Hexagone.

La France, facteur de déstabilisation en Afrique selon Ousmane Sonko

« Le Président Emanuel Macron a affirmé aujourd’hui que le départ annoncé des bases françaises aurait été négocié entre les pays africains qui l’ont décrété et la France. Il poursuit en estimant que c’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti la primeur de l’annonce à ces pays africains. Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain. »

Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal

« Je crois qu’on a oublié de nous dire ‘merci’, ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps », déclarait hier Emmanuel Macron. C’est peu de le dire, la pilule n’est pas passée auprès des opinions publiques, ni de certaines élites continentales, lesquelles, à l’image d’Ousmane Sonko, rappellent à Paris sont bilan sécuritaire, au mieux nuancé, au pire désastreux en Afrique. Que ce soit au Sahel où les différentes opérations antiterroristes, depuis Serval en 2013, jusqu’à Takuba en 2020, n’ont pas réussi à juguler la menace terroriste laquelle, s’est au contraire étendue aux pays du golfe du Guinée, ou en Centrafrique où l’opération Sangaris a échoué à repousser les différentes rebellions armées qui contestent le pouvoir central de Bangui, les acteurs et observateurs continentaux dressent un bilan aux antipodes de celui présenté par le chef d’État français.

En outre, le premier ministre sénégalais rappelle le péché originel de la déstabilisation du Sahel par les forces occidentales, dont la France, coalisées au sein de l’OTAN dans le renversement du régime de Mouammar Kadhafi. « Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Lybie avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel. », déclare-t-il dans un post sur X. « C’est enfin le lieu de rappeler au Président Macron que si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, Allemande. », achève-t-il, rappelant le prix, frappé d’ingratitude, payé par l’Afrique pour la sécurité et l’intégrité territoriale de la France.

En Afrique, l’arrogance d’Emmanuel Macron ne surprend plus, ou presque

Les propos tenus par le président français ont donné lieu à des réactions majoritairement désabusées en Afrique. Depuis l’ignominieuse convocation de Pau où Emmanuel Macron avait, en 2019, sommé les dirigeants du G5 Sahel de réaffirmer leur consentement à la présence militaire française sur leur sol, en réponse à la grogne populaire croissante contre celle-ci, l’Élysée a habitué le continent aux invectives, mépris, et à l’arrogance. Mais avec cet énième écart de langage, le président français a-t-il commis le faux-pas de trop ?

Aux côtés du Sénégal qu’il a rejoint dans sa décision de demander le retrait des troupes hexagonales fin 2024, le gouvernement tchadien a exprimé lundi sa « vive préoccupation suite aux propos tenus récemment par le Président de la République française, Emmanuel Macron, qui reflètent une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains », selon un communiqué du ministre tchadien des Affaires étrangères.

Même ton du côté des activistes panafricanistes comme Farida Bemba Nabourema qui estime que : « La déclaration d’Emmanuel Macron selon laquelle les dirigeants africains devraient être reconnaissants pour les interventions militaires de la France, affirmant que la souveraineté de l’Afrique de l’Ouest doit son existence à l’armée française, suinte de révisionnisme, de malhonnêteté intellectuelle et de faillite morale. Cette rhétorique paternaliste, qui infantilise les nations africaines en les présentant comme incapables de se gouverner elles-mêmes, s’enracine profondément dans le racisme qui a justifié la colonisation et continue de nourrir le néocolonialisme aujourd’hui. »

Teria News

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