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Sénégal : Macky Sall ou la peur de l’échec électoral

« Il ne veut pas partir. Il m’a dit qu’il a peur que le pouvoir tombe aux mains des islamistes », révèle Yves Thréard. Journaliste spécialiste de l’Afrique et conseiller de Macky Sall, Yves Thréard évoque la crainte du président sénégalais de céder le pouvoir à Bassirou Diomaye Faye. Adoubé par Ousmane Sonko, il est le grand favori des sondages.

Les langues se délient suite à la séquence politique inédite qui a vu le report de la présidentielle du 25 février au 15 décembre et la prolongation du mandat de Macky Sall jusqu’à l’installation d’un nouveau chef de l’État. Depuis samedi et le séisme provoqué par l’annonce du président sénégalais, le pays a renoué avec ses heures les plus sombres. Apaisé en juillet 2023 après son renoncement à briguer un troisième mandat, le climat socio-politique s’est à nouveau embrasé sur fond de non-respect par les autorités du droit à se rassembler de façon pacifique. Également justifiées par la prévention de troubles à l’ordre social, d’autres mesures telles que la suspension de l’internet mobile et l’interdiction de la vente de carburant au détail, ont été prises dans la foulée. De quoi accentuer le climat délétère qui, comme en mars 2021 et juin 2023, menace de plonger le pays dans un nouveau cycle de chaos.

Macky Sall craint-il de céder le pouvoir à l’opposition ?

Journaliste au Figaro, spécialiste de l’Afrique et conseiller de Macky Sall, Yves Thréard rend compte d’un échange avec le président sénégalais vendredi 2 février, soit la veille de l’annonce du report du scrutin présidentiel. Dans cet entretien, Macky Sall aurait évoqué sa crainte de céder le pouvoir aux « islamistes », désignant ainsi Bassirou Diomaye Faye, candidat du Pastef, dissout par les autorités sénégalaises. Adoubé par Ousmane Sonko suite au rejet de son dossier de candidature par le Conseil constitutionnel, il est le grand favori des sondages.

Le qualificatif dont aurait été affublé Bassirou Diomaye Faye est lié à son obédience religieuse, mais surtout aux accusations, formulées contre Ousmane Sonko, de financement occulte de son parti par le Qatar. Formulées en décembre dernier à l’Assemblée nationale par le député Matar Diop, elles évoquent des fonds reçus par Ousmane Sonko de la part d’acteurs désirant remettre en cause les contrats d’exploitation des gisements de pétrole et de gaz récemment découverts au Sénégal.

De l’autre côté, Amadou Ba, Premier ministre désigné pour défendre les couleurs de la majorité est à la traine dans les intentions de vote. De plus, le candidat de la mouvance présidentielle est mal-aimé dans sa propre famille politique. Victime de luttes intestines, Amadou Ba pourrait voir son statut de dauphin lui être retiré dans cette période d’incertitude ouverte par le vote du 5 février.

La communauté internationale hausse le ton

Suite aux timides communiqués diffusés au lendemain du discours à la nation de Macky Sall, les acteurs, sur la scène régionale et internationale, changent de ton.

Dans un communiqué publié mardi 6 février, la CEDEAO « déconseille toute action ou déclaration qui pourrait aller à l’encontre de la Constitution » et « encourage la classe politique à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal ».

Washington appelle également au respect de la Constitution. « Les États-Unis sont profondément préoccupés par les mesures prises pour retarder l’élection présidentielle du 25 février au Sénégal, qui vont à l’encontre de la forte tradition démocratique du Sénégal. Nous sommes particulièrement alarmés par les informations selon lesquelles les forces de sécurité ont expulsé de force des parlementaires qui s’opposaient à un projet de loi visant à retarder les élections, ce qui a donné lieu à un vote à l’Assemblée nationale qui ne peut être considéré comme légitime compte tenu des conditions dans lesquelles il s’est déroulé. Les États-Unis exhortent le gouvernement du Sénégal à organiser son élection présidentielle conformément à la Constitution et aux lois électorales. Nous appelons également le gouvernement sénégalais à rétablir immédiatement le plein accès à Internet et à garantir que les libertés de réunion pacifique et d’expression, y compris pour les membres de la presse, soient pleinement respectées. Les États-Unis resteront engagés auprès de toutes les parties et partenaires régionaux dans les jours à venir », déclare Matthew Miller, porte-parole Département d’État.

Teria News

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