Six mois après son déclenchement, la guerre des généraux a fait 9 000 morts et 5.6 millions de déplacés. L’armée régulière d’Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) de son ancien numéro 2, Mohamed Hamdane Daglo, continuent de croiser le fer à partir de Port Soudan pour les uns et Khartoum pour les autres. Une configuration qui fige les forces et rappelle le scénario libyen.
Victime de la multiplication des foyers de tension sur le globe, dont la qualification est, sur plusieurs théâtres, passée de conflit de basse intensité à conflit de haute intensité à l’instar de la guerre Israël-Hamas qui marque un ré embrasement du Proche-Orient, le conflit soudanais est-il passé au second plan des priorités des principaux acteurs de la scène internationale ? Outre celle des décideurs, la guerre d’attrition que se livrent FSR d’un côté et forces loyalistes de l’autre, éprouve l’attention des opinions publiques, mais aussi l’engagement des ONG. Médecins Sans Frontières (MSF) dénonce ainsi l’absence des organisations humanitaires internationales et le manque d’aide apporté à la population soudanaise.
Le plus grand nombre de déplacés au monde
« La réponse à la crise au Soudan est un énorme échec, marqué par l’incapacité des parties au conflit de protéger les civils ou de faciliter l’accès humanitaire, et par la grave négligence et l’incapacité des organisations internationales à apporter une réponse adéquate (…) Sans une augmentation immédiate et significative de la réponse humanitaire, de nombreuses personnes mourront inutilement »
Dr Christos Christou, président international de MSF
S’associant à MSF pour déplorer le tarissement des sources de financement, plusieurs organisations regrettent que les bailleurs internationaux ne financent qu’un quart de leurs besoins. Sur place, avec 70% des hôpitaux des zones de conflit hors service, le système de santé national est au bord de l’effondrement et une pénurie de médicaments provoque de graves complications chez certains patients qui, atteints de maladies chroniques, voient leur prognostique vital engagé.
À l’Ouest du pays, certains observateurs alertent sur une épuration ethnique en cours au Darfour où sont recensés des massacres commis par les FSR et des milices alliées à dominance arabe contre des tribus Massalit, notamment à Al Geneina, capitale du Darfour occidental. En six mois, les combats ont fait 9 000 morts et 5.6 millions de déplacés internes et externes à 85% composés de femmes et d’enfants, dont 400 000 réfugiés au Tchad, soit le plus grand nombre de déplacés au monde selon l’ONU.
Négociations en panne et processus politique à l’arrêt
Dans ce contexte, une reprise des pourparlers de paix a lieu à Jeddah sous l’égide des États-Unis et de l’Arabie Saoudite. Mais d’emblée, le ton est donné par l’armée soudanaise : « La reprise des négociations ne signifie pas un arrêt de la bataille », précise-t-elle dans un communiqué alors qu’elle s’est repliée à Port Soudan, à 800 km de Khartoum, en grande partie contrôlée par les paramilitaires du général Hemedti.
Suspendues en juin, ces négociations visent à obtenir un cessez-le-feu ainsi que « l’accès sans entraves de l’aide humanitaire » et d’« autres mesures de confiance », a déclaré à des journalistes un haut responsable du département d’État s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. Marginalisée par une « guerre des médiations », l’Union africaine sera représentée à Jeddah par l’Igad (Kenya, Djibouti, Ethiopie, Erythrée, Ouganda, Somalie, Soudan du Sud et Soudan).
En attendant la constitution d’un « front civil » au Soudan, permettant d’envisager à nouveau une transition démocratique, à l’agenda depuis le renversement d’Omar el Béchir en 2019 mais déraillée par le coup d’État d’octobre 2021, les pourparlers de Jeddah ne visent toutefois que des objectifs militaires et « n’aborderont pas les questions politiques plus larges », a précisé l’un des responsables américains.
Teria News