AfriquePolitique

« L’effet pangolin : la tempête qui vient en Afrique? », dixit le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du Quai d’Orsay, ou plutôt « L’effet pangolin : la tempête qui s’abat sur la France? »

Dans une note datée du 24 mars, adressée notamment aux conseillers diplomatiques du président Emmanuel Macron, le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère français des Affaires étrangères disserte sur la capacité des Etats africains à faire face au coronavirus.

« L’onde de choc à venir du Covid-19 en Afrique pourrait être le coup de trop porté aux appareils d’Etat », « un virus politique » où « l’Etat va faire massivement la preuve de son incapacité à protéger ses populations », dit le document.

Selon le CAPS, grand est le risque de voir les « régimes fragiles » du Sahel, et « en bout de course » en Afrique centrale, balayés. Pour ces Etats, « cette crise pourrait être le dernier étage du procès populaire contre l’Etat, qui n’avait déjà pas su répondre aux crises économiques, politiques et sécuritaires ». Le CAPS poursuit sur les possibilités d’une « déstabilisation durable » en Afrique, où la pandémie pourrait « amplifier les facteurs de crise des sociétés et des Etats », et où les mesures de confinement « saperont l’équilibre fragile de l’informel, économie de survie quotidienne essentielle au maintien du contrat social ».

Dans les pays producteurs de pétrole en Afrique centrale francophone, la chute du prix du baril, couplée à une baisse de la production pourrait entraîner des pénuries d’essence, d’énergie, et de produits de première nécessité.

Les Etats faillis, déjà par définition incapables de remplir leurs obligations vis à vis de leurs populations pourraient alors faire face à des contestations sociales inédites, lesquelles, comme les répliques d’un tsunami, pourraient sonner le glas de régimes fantômes, dont la présence se matérialise difficilement dans le quotidien des peuples. Les Etats africains récolteraient alors les fruits de décennies d’impéritie. La question est : le compte à rebours a-t-il commencé?

Une chose est certaine, il a commencé pour la France, qui s’agite pour maintenir son influence sur le continent en projetant s’appuyer sur 4 leviers. Premièrement, les autorités religieuses « policées » capables de maîtriser les velléités des évangéliques des églises dites de « réveil », et des tranches les moins contrôlables des mouvements politico-religieux musulmans. Deuxièmement, les diasporas. Troisièmement, les artistes populaires locaux qualifiés d’ »autorités morales crédibles » et dont l’influence est recherchée parce qu’elles façonnent les opinions publiques ». Quatrièmement, les hommes d’affaires « entrepreneurs économiques et businessmen néolibéraux ». En somme, Paris prépare une FrançAfrique post-Covid-19.

Ce qu’omet le rapport, et qui échappe à beaucoup, c’est d’une part le désespoir de la France, dont l’économie en chute libre (moins 6 points de PIB au premier trimestre de 2020), a plus que jamais besoin des approvisionnements vitaux assurés par ses relations opaques avec l’Afrique, au premier rang desquels le franc CFA. D’autre part, la fenêtre d’opportunité inédite que l’effondrement de l’occident ouvre à l’Afrique. Elle pourrait sonner l’heure de gloire, et conduire à la victoire définitive des mouvements de la société civile engagés dans un combat pour la souveraineté effective des anciennes colonies françaises. « On oublie seulement une chose. C’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique. Pas uniquement. Mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens. Je ne dis pas de générosité. De bon sens, de justice, pour rendre aux Africains, je dirais, ce qu’on leur a pris. D’autant que c’est nécessaire, si on veut éviter les pires convulsions ou difficultés, avec les conséquences politiques que ça comporte dans un proche avenir. », confessait l’ancien président français Jacques Chirac, alors sorti de sa réserve.

Le manque de vision et d’anticipation de l’Europe comme des Etats-Unis, conjugués aux mécanismes implacables du processus de mondialisation, sont les principales causes du marasme dans lequel s’enfoncent ces parties du monde. Avec une longueur d’avance, il appartient à l’Afrique de ne pas tomber dans les mêmes écueils. En terme de riposte sanitaire, en basculant vers une économie de crise, pour produire nationalement masques, gels hydro alcooliques ou encore chloroquine. S’attendre uniquement à la Chine et aux relais de sa puissance tels que l’homme d’Affaire Jack Ma pour approvisionner le continent est suicidaire. En terme de riposte économique, en considérant ses propres ressources, au lieu de parachever et consacrer le paradoxe pluriséculaire du continent nourricier qui tend la main pour mendier les miettes de sa propre richesse. Enfin, en termes géopolitiques, en rompant les alliances avilissantes, stériles et décrépies, pour négocier des partenariats éclairés.

Un nouveau monde tend les bras à quiconque, muni de réflexion et d’anticipation, veut se donner la peine de le voir se dessiner, mais menace de broyer les esprits finis par des carcans passéistes et court-termistes.

Teria News

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page