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Washington fait passer Wagner de l’autre côté de la force

Les États-Unis désignent Wagner comme une « organisation criminelle internationale ». L’Ukraine, où le groupe paramilitaire s’est illustré ces derniers jours, pourrait n’être qu’un prétexte pour régler des comptes avec Wagner et la Russie sur le continent africain. Précisions.

Le classement de Wagner dans le groupe scélérat des « organisations criminelles internationales » est le premier pas d’une cabbale d’État contre le groupe paramilitaire russe. En somme, le basculement vers un autre « axe du mal » est la promesse de subir la fureur et la rage de la puissance américaine. Ce, non plus seulement sur le plan politique, mais cette fois sur le plan légal. En effet, cette désignation par la Maison Blanche, ouvre la porte à des sanctions internationales.  

« En coordination avec cette désignation, nous imposerons aussi la semaine prochaine des sanctions supplémentaires contre Wagner et son réseau de soutiens à travers de nombreux continents », a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, lors du point de presse quotidien de la Maison Blanche, vendredi 20 janvier.  

Contrer Wagner en Ukraine, mais aussi en Afrique

Si le nouvel étiquetage de Wagner intervient suite à la prise par les forces russes de la ville de Soledar, près de Bakhmout, offensive dans laquelle les troupes de Wagner ont joué un rôle décisif, Soledar n’était que la goutte de trop. Bras armé du Kremlin en Afrique, Wagner assure à la Russie une présence officieuse sur le continent qui, à la faveur d’un réembrasement de la rivalité Est-Ouest provoqué par le conflit russo-ukrainien, est au centre d’une nouvelle lutte d’influence entre grandes puissances. C’est d’ailleurs ce qu’esquisse la suite des déclarations de John Kirby : « Ces actions reconnaissent la menace transcontinentale que représente Wagner », a-t-il ajouté.

Par ailleurs, plus qu’un conflit engagé en leur nom propre, les États-Unis pourraient ainsi actionner ce levier de sanctions, cette fois, au nom de l’Occident, car eux seuls possèdent la caractéristique de l’extraterritorialité du droit. Singulière à l’échelle globale, cette arme a fait ses preuves par le passé. Elle a en effet eu pour conséquence d’éloigner les multinationales d’Iran après que Donald Trump ait dénoncé le JCPOA en 2018.

Concrètement, la conséquence de cette désignation, prévue par le décret 13581, est le gel des avoirs du groupe Wagner aux États-Unis et l’interdiction faite aux ressortissants américains de fournir des fonds, des biens ou des services à cette organisation.

Un lobbying africain fantôme  

« Par ces actions, et d’autres à venir, notre message à toute entreprise qui envisage de fournir de l’aide à Wagner est le suivant : Wagner est une organisation criminelle qui commet de vastes atrocités et violations des droits de l’Homme et nous travaillerons sans relâche à identifier, exposer et cibler ceux qui assistent Wagner »

John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale

De façon voilée, Washington envoie aussi un message aux pays africains tentés par l’offre de service de Wagner pour juguler les menaces sécuritaires qui sabotent l’autorité de l’Etat central. Aujourd’hui, la présence du groupe focalise l’attention au Mali et en Centrafrique, mais il opère également en Libye, au Soudan et au Mozambique.

Pour la Maison Blanche, ces sanctions pourraient également être un moyen de ressusciter l’esprit de la loi contre les russophiles en Afrique, le Countering Malign Russian Activities in Africa Act, ou loi visant à « contrer les activités malveillantes de la Russie » qui « sapent les objectifs et les intérêts des États-Unis » étant en ballotage au Congrès. Le texte donne le pouvoir au secrétaire d’État américain de concevoir des stratégies pour parer à l’offensive russe en Afrique et pour inverser une tendance russophile. Tordre le bras à l’Afrique afin de la sommer de choisir un camp via des sanctions, tranche pourtant avec le ton du sommet États-Unis-Afrique tenu en décembre 2023.

Devant les méthodes de l’ami américain, seule l’Afrique du Sud semble donner de la voix. « Nous ne pouvons pas être intimidés simplement parce que nous sommes une économie en croissance. Nous avons des intérêts nationaux, nous avons des intérêts régionaux, [alors] nous devons nous assurer que nous tenons bon là où ça compte […] Nous n’intervenons pas dans leurs relations avec le Mexique. Nous avons nos problèmes, nous faisons nos commentaires, mais nous ne pouvons pas instruire un ministre dans un autre pays. », a déclaré Thandi Modise, Ministre Sud-africaine de la Défense et des Anciens Combattants le 7 janvier dernier. L’absence de coordination des pays africains, jusqu’ici incapables d’opposer un front uni face à des menaces communes, laisse d’aucuns dubitatifs sur l’impact d’une représentation au Conseil de sécurité de l’ONU ou au G20.

Teria News

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