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Nigeria : 10.000 captives de djihadistes forcées à avorter

Au Nigeria, la lutte contre le djihadisme se fait aussi dans le ventre des femmes. L’armée est accusée d’avoir mené un programme d’avortement forcé ciblant les femmes, ex-esclaves sexuelles de Boko Haram.

Tuer le djihadisme dans l’œuf. C’est l’esprit qui aurait animé l’armée nigériane, confrontée à la percée de l’extrémisme violent, incarné par Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), sa branche rivale, dans le nord du pays. Depuis une dizaine d’années, l’armée conduirait un programme d’avortement forcé ciblant les anciennes captives des djihadistes, le plus souvent enlevées lors de raids meurtriers dans les villages, mariées de force et réduites en esclavage sexuel par leurs kidnappeurs. De 2013 à aujourd’hui, révèle l’agence Reuters dans une enquête publiée le 7 décembre, les soldats nigérians auraient mené un programme « d’avortements secrets, systématiques et illégaux dans le nord-est du pays, mettant fin à au moins 10.000 grossesses chez des femmes et des jeunes filles, dont beaucoup avaient été enlevées et violées par des combattants jihadistes ».  

Un second traumatisme pour les anciennes otages

À peine rescapées des griffes de leurs kidnappeurs que les femmes enlevées par les combattants djihadistes auraient-elles été soumises à une autre épreuve. Encore une fois, l’agression est physique et touche leur intimité. Violées à de multiples reprises par les terroristes, leurs entrailles sont, une nouvelles fois, molestées, cette fois par leurs sauveurs. Ici, l’horreur s’ajoute à l’horreur. Celle de la violence par la négation du consentement de part et d’autre du rapport de force.

Selon les témoignages recueillis par Reuters, des soldats nigérians auraient administré à ces femmes de mystérieuses injections, accompagnées de pilules abortives à ingérer. Ce « traitement » ne manquait pas de provoquer, dans les heures suivantes, de vives douleurs dans le bas ventre des anciennes captives et des saignements abondants. Pour certains soignants impliqués, il s’agissait de « sauver ces femmes de la stigmatisation et d’autres problèmes qu’elles pourraient avoir dans le futur » après avoir donné naissance à « un enfant de Boko Haram ». Une fois l’avortement effectué, les femmes recevaient interdiction formelle de parler. Ce seraient en tout 10.000 femmes qui auraient été victimes d’avortements non consentis dans les États de Yobe, Borno et Adamawa, situés au nord-est du Nigeria.

La grande muette nie fermement ces accusations

L’enquête de Reuters décrit « une opération à grande échelle, avec une logistique complexe, nécessitant une coordination minutieuse ». Elle s’appuie sur de nombreux documents, des récits de membres des forces de sécurité impliqués dans le programme ou de personnels de santé ayant pratiqué des avortements.

Les accusations de l’agence de presse sont démenties par l’armée. Exécuté sur une dizaine d’années, un tel programme n’aurait pu être mené sans validation du haut commandement militaire nigérian, ni sans quitus politique. À quel niveau remonte l’implication des responsables politiques nigérians ? Quels officiels étaient en charge de conduire le programme ?

Posées par Reuters aux chefs militaires nigérians comme à la classe politique nationale, ces questions restent sans réponses. Le haut commandement militaire, pour sa part, accuse l’enquête de servir un agenda politique étranger visant à jeter le discrédit sur la lutte contre l’extrémisme violent menée par le Nigeria.

Teria News

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