Plaque tournante du trafic d’armes, les livraisons d’armements à l’Ukraine alimentent le marché noir jusqu’à tomber aux mains des jihadistes, déclare Muhammadu Buhari. Le président nigérian dénonce une « menace » pour « notre paix et notre sécurité collectives »dans la région du lac Tchad.
Avant le président Buhari, s’exprimant alors à l’occasion du 16e Sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), la presse américaine, Interpol et Europol avaient déjà exprimé leurs inquiétudes quant à la destination des armes envoyées en Ukraine par les appuis occidentaux de Volodymyr Zelensky. Ces questionnements ont ensuite été repris par les États-Unis et l’Union européenne, principaux pourvoyeurs d’armes à Kiev.
Rapportant les confidences d’un membre des renseignements américains, la chaine CNN tirait la sonnette d’alarme dès le mois d’avril, soit à peine deux mois après le déclenchement du conflit. « Nous avons la traçabilité de ces armes pendant une courte période, mais une fois entrées dans le brouillard de la guerre, nous en avons presque zéro, elles tombent dans un grand trou noir », s’inquiétait la source.
De l’Ukraine vers les jihadistes en Afrique
« Il faut cependant préciser que malgré les succès enregistrés par les vaillantes troupes de la MNJTF (Multinational Joint Task Force, ndlr) et les différentes opérations nationales en cours dans la région, des menaces terroristes rôdent toujours dans la région, et malheureusement, la situation au Sahel et la guerre qui fait rage en Ukraine sont des sources majeures d’armes et de combattants qui renforcent les rangs des terroristes dans la région du lac Tchad (…) Ce mouvement illégal d’armes dans la région a intensifié la prolifération des armes légères et de petit calibre qui continue de menacer notre paix et notre sécurité collectives dans la région. »
Muhammadu Buhari, président nigérian
Si le flux d’armes dirigé vers l’Ukraine depuis les capitales occidentales alimente la nébuleuse des groupes terroristes actifs dans la région du lac Tchad comme Boko Haram ou le groupe État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap), il est probable qu’il renforce également l’arsenal des jihadistes opérant au Sahel, voire dans le golfe de Guinée. D’autant, que la tendance est à la mutualisation des efforts, alertent les experts.
Quel contrôle de ces flux d’armes ?
En guise de réponse à ces préoccupations, un groupe opérationnel du commandement européen des forces armées américaines, basé à Stuttgart, a été chargé de coordonner les demandes d’aide militaire de l’Ukraine, faciliter les acquisitions de matériel et d’armes et les acheminer jusqu’à la frontière du pays. L’Union européenne pour sa part, coordonne l’assistance militaire apportée à Kiev à travers la « Facilité Européenne pour la paix ». Accusée de corruption et de détournement des armes convoyées vers elle par son élite, l’Ukraine a, elle, voté la création d’une commission temporaire spéciale chargée de contrôler la réception et l’utilisation des armes reçues par ses partenaires.
« Toutes ces armes atterrissent dans le sud de la Pologne, sont expédiées à la frontière puis sont simplement réparties en véhicules à traverser : des camions, des camionnettes, parfois des voitures privées. À partir de ce moment, nous ne savons pas où ils se trouvent et nous n’avons aucune idée d’où ils vont, où ils sont utilisés ou même s’ils restent dans le pays. », déclarait un responsable occidental cité par le Financial Times. De milliards en milliards d’armements envoyés à l’Ukraine par Washington et Bruxelles, autant dire qu’en dépit des garde-fous mis en place par ces capitales, impossible de savoir ce que deviennent réellement les armes convoyées.
Malgré la sérénité ou le déni de réalité affichés par les appuis de Kiev, en coulisse, les états-majors et administrations s’affolent de retrouver leurs armes sur d’autres théâtres de guerre. Sans mécanisme efficace de traçabilité, les pays occidentaux impliqués pourraient se retrouver officiellement accusés d’entretenir plusieurs foyers d’insécurité à l’échelle globale.
Teria News