AfriquePolitique

La CEDEAO menace le Mali et crée une force anti-putschs

Tout en faisant l’autruche, la CEDEAO se fait partiale : réunis dimanche 4 novembre, les chefs d’État de l’organisation exigent du Mali la libération des 46 militaires ivoiriens détenus, sous peine de nouvelles sanctions. Le sommet marque également la création d’une force anti-putschs et anti-terroriste.

À peine soulagé des lourdes sanctions économiques votées contre le pays en janvier, le Mali vient de perdre une nouvelle bataille devant la CEDEAO. Lors de son 62e sommet ordinaire, l’organisation sous-régionale a en effet pris fait et cause pour la Côte d’Ivoire dans son différend qui l’oppose à Bamako concernant l’affaire dite des 46 soldats ivoiriens. Détenus depuis juillet, le Mali les accuse de tentative de déstabilisation. Sans accord entre deux parties, le dossier empoisonne les relations entre la Côte d’Ivoire et le Mali qui s’opposent à travers des narratifs concurrents. Ainsi, Bamako et Yamoussoukro se disputent le statut de victime : alors que la première maintient avoir été la cible d’une tentative de déstabilisation, le second, qui se défend de tout forfait, dénonce la prise d’otage de ses ressortissants.

La CEDEAO lance un ultimatum à Bamako

C’est une nouvelle épée de Damoclès que la CEDEAO a placé au-dessus du Mali. En tranchant en faveur de la Côte d’Ivoire, les chefs d’État et de gouvernement ont exigé de Bamako la libération des 46 soldats ivoiriens détenus au Mali avant le 1er janvier 2023. Le cas échéant, Abuja prendra de nouvelles sanctions contre le régime d’Assimi Goïta.  

Le jugement de l’organisation marque une défaite pour la diplomatie malienne et le retournement d’une situation dont le récit et l’issue semblaient pourtant acquis à Bamako. Il s’agit, à l’opposé, d’une victoire pour Alassane Ouattara dont le narratif a prévalu sur celui des autorités maliennes, du moins dans ce forum sous-régional. Par ailleurs, ce faisant, la CEDEAO fait écho à la position adoptée par le Secrétaire général de l’ONU et pour laquelle Antonio Guterres avait essuyé les vives réprobations d’Abdoulaye Maïga à la tribune de l’ONU. Sur les réseaux sociaux, cet alignement accentue la défiance des peuples vis-à-vis de l’organisation, décriée comme un syndicat de chefs d’État à la solde d’intérêts étrangers.

Le tout militaire : une défaite du politique

Les dirigeants de la CEDEAO sont « résolus à établir une force régionale qui interviendra en cas de besoin, qu’il s’agisse de sécurité, de terrorisme ou de rétablir l’ordre constitutionnel dans des États membres »

Omar Alieu Touray, président de la Commission de la CEDEAO

Devant la multiplication des coups d’État dans la sous-région ouest-africaine et la menace terroriste qui s’est à présent étendue aux pays du golfe de Guinée, la CEDEAO a décidé de la création d’une force anti-jihadiste et anti-putschs. Une pierre deux coups… mais pour des problématiques différentes.  

Si la réponse militaire au terrorisme qui gangrène la sous-région est opportune, elle soulève certaines interrogations. La force évoquée a-t-elle vocation à se superposer à la force multinationale conjointe dont le déploiement a été annoncé, il y a à peine deux semaines, dans le cadre de l’Initiative d’Accra ? Dans quels pays sera-t-elle envoyée et est-elle appelée à s’intégrer au dispositif multilatéral existant, dominé par des coalitions internationales ? Malgré les promesses de financement « endogène », désormais maître-mot de ces forces nouvelle génération, difficile d’imaginer le Mali et le Burkina Faso, épicentres de la menace jihadiste et tous deux sur une ligne souverainiste, accepter d’accueillir une telle force, tant les grilles de lecture des acteurs impliqués divergent des leurs. La CEDEAO promet de répondre à ces questionnements d’ici la seconde moitié de janvier 2023.

Alors qu’ils sont le fruit de la mal gouvernance et des tripatouillages constitutionnels, l’option militaire comme riposte aux coups d’État semble quant à elle décalée. Elle apparait davantage comme un renoncement du politique. En refusant de faire face aux véritables ressorts du retour de l’instabilité politique dans la sous-région, la CEDEAO refuse de faire son auto-critique. À une profonde remise en question, éclairée par le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, les chefs d’Etat membres, eux-mêmes éclaboussés par des entorses au dit protocole, préfèrent faire l’autruche en déplaçant une problématique strictement politique sur le terrain militaire. Déçus, les peuples eux, accusent une nouvelle fois le coup.

Enfin, l’organisation accepte la transition de 24 mois proposée par la Guinée de Mamady Doumbouya, tout en exigeant un dialogue inclusif entre les acteurs politiques et renouvelle sa volonté d’accompagner la transition burkinabè.

Teria News  

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page