Wagner au Burkina Faso ? Et alors ? Mis en garde par les États-Unis contre l’arrivée du groupe paramilitaire russe au « pays des hommes intègres », le MPSR 2 pourrait décevoir l’Occident, désemparé par le changement de paradigme en cours en Afrique de l’Ouest.
Porté par les espoirs résilients d’un peuple face au défi posé par les attaques, toujours plus meurtrières, des groupes terroristes, le capitaine Ibrahim Traoré a, dès la première prise de parole du MPSR 2, manifesté son désir de se tourner vers de « nouveaux partenaires » dans sa riposte sécuritaire. Autant dire que si ses compatriotes ont été rassurés par sa volonté de diversifier la coopération du Faso en matière de défense, un vent de panique a, en revanche, immédiatement commencé à souffler au sein des chancelleries occidentales.
S’est alors dressé le spectre de Wagner, groupe paramilitaire russe dont la présence sur le continent cristallise un regain dans la lutte d’influence entre grandes puissances, mais aussi les tensions entre l’Occident et la Russie dans le contexte du conflit russo-ukrainien. Une crainte accentuée par l’offre de service, formulée dans la foulée du coup de force du 30 septembre, par Evguéni Prigojine. À la tête du groupe de sécurité, l’homme de l’ombre du Kremlin a apporté son soutien au jeune capitaine et ses compagnons d’arme qui, selon lui, ont « fait ce qui était nécessaire (…) pour le bien de leur peuple ».
Traoré ravive l’héritage non-aligné de Thomas Sankara
Les similitudes entre les deux hommes ont abreuvé les réseaux sociaux depuis le coup d’État de vendredi. Âgé de 34 ans et capitaine comme le père de la nation burkinabè, en affirmant : « Il y a beaucoup de partenaires, la France est un partenaire, il y a beaucoup d’autres partenaires. Donc, il n’y a pas une cible prioritaire. » à RFI dimanche 1er octobre, Ibrahim Traoré a d’emblée laissé transparaitre son héritage sankariste. En d’autres termes, hors de question d’agir selon une logique aussi binaire que manichéenne. Le Burkina Faso choisira ses partenaires en fonction de ses propres intérêts.
À la lumière de ces déclarations, la récente mise en garde de Washington parait déjà inaudible.
« Les pays où le groupe [Wagner] a été déployé se retrouvent affaiblis et moins sûrs, et nous avons constaté cela dans plusieurs cas rien qu’en Afrique ». « Nous condamnons toute tentative d’empirer la situation actuelle au Burkina Faso et nous encourageons fortement le nouveau gouvernement de transition à se conformer au calendrier convenu pour un retour à un gouvernement civil démocratiquement élu. »
Vedant Patel, un porte-parole du département d’Etat américain
Isolé par ses voisins régionaux comme sur la scène internationale depuis son basculement géopolitique, le Mali devait faire office d’épouvantail pour tous ceux qui seraient tentés par son modèle. Toutefois, le souverainisme de Bamako pourrait faire des émules à Ouagadougou. D’autant que le recul dans la coopération avec Mali, pourtant annoncé par les partenaires occidentaux après l’arrivée de Wagner, n’a été que relatif. En effet, entre la prolongation désespérée de la présence de Barkhane par Paris et la poursuite de plusieurs programmes d’aide au développement des pays riches, l’Occident, qui marche sur une ligne de crête, a montré sa crainte de laisser le champ libre à la Russie.
Appels à une autre Union du Sahel contre le terrorisme
L’orientation des seconds putsch malien et burkinabè laisse les internautes songeurs. Nombreux sont-ils en effet à appeler de leurs vœux à une union des pays sahéliens contre le terrorisme. D’un genre nouveau, cette dernière se poserait en alternative panafricaine aux fora actuels tels que le G5 Sahel, en état de mort cérébrale depuis le retrait malien, ou encore l’initiative d’Accra, laquelle concentre les espoirs des partenaires occidentaux en matière de prévention de l’extrémisme violent dans le golfe de Guinée.
En attendant, suite à la visite d’une délégation de la CEDEAO, l’organisation a décidé d’accompagner la nouvelle Transition burkinabè, elle-même engagée à respecter le calendrier entériné par Paul-Henri Sandaogo Damiba.
En outre, si le MPSR 2 venait en effet à contracter les services de Wagner, la Russie pourrait tenir sa petite revanche alors qu’elle essuie revers après revers dans sa campagne ukrainienne. Reste toutefois à mesurer les effets du Countering Malign Russian Activities in Africa Act. Taillée pour enrayer la montée en puissance du Kremlin sur le continent africain, la loi américaine visant à « contrer les activités malveillantes de la Russie », expose l’Afrique à un arsenal de sanctions en cas de coopération avec Moscou et toute entreprise russe.
Teria News
