Ali Bongo se méfie de la France. Décoré mi-janvier par l’ambassadeur de France au Gabon, le chef d’état-major gabonais est limogé quelques jours plus tard par le ministre de la Défense.
Alors que les coups d’État pleuvent sur le continent africain, les palais présidentiels sont sur le qui-vive. Entre remaniements de la haute hiérarchie militaire et revalorisation de leurs conditions, les chefs d’État veulent exorciser l’armée du démon appelé « putsch ». C’est dans ce contexte que l’ambassade de France au Gabon a jugé propice de décorer le chef d’état-major gabonais, proche d’un départ à la retraite. Ainsi, le 17 janvier, le général Yves Ditengou s’est vu élevé au grade de commandeur dans l’ordre de la Légion d’honneur.
« La France a souhaité honorer un soldat qui a véritablement voué sa vie au service de son pays […] Si le général de division Yves Ditengou se voit remettre les insignes de commandeur de la Légion d’honneur, c’est non seulement parce qu’il a apporté au sein des forces armées gabonaises son savoir-faire mûri dans les écoles françaises, mais aussi pour son parcours exemplaire d’officier »
Alexis Lamek, ambassadeur de France au Gabon
Une décoration très mal reçue par l’exécutif gabonais
La décision d’honorer Yves Ditengou à quelques semaines de son départ à la retraite a soufflé un vent de panique au sein du pouvoir civil gabonais. D’aucuns s’interrogent sur les intentions de la France. En adoubant ainsi le chef d’état-major, Paris voulait-elle lui donner des ailes, voire acheter sa loyauté ? La pensée a sans doute agité l’exécutif gabonais puisque, deux semaines après avoir reçu sa décoration, le général Yves Ditengou est relevé de ses fonctions par son ministre de tutelle. Le 02 février, une « note de service » signée de la main du ministre gabonais de la Défense, Michael Moussa Adamo, annonce à Yves Ditengou son départ à la retraite anticipé.
Sonné, le désormais ex chef d’état-major écrit au président Ali Bongo : « À ma grande surprise, je viens d’être relevé de mes fonctions par note de service citée supra du ministre de la Défense qui confie l’intérim à mon adjoint chargé des opérations […] Aussi, ai-je l’honneur de vous demander très respectueux Excellence, la conduite à tenir ». Son appel à Ali Bongo restera sans réponse. La rupture est consommée, le président gabonais est en parfait accord avec son ministre de la Défense.
10 jours plus tard, le limogeage d’Yves Ditengou est entériné par une cérémonie de passation de charge présidée par Ali Bongo lui-même. Ainsi, le 12 février 2022, le général de division Jean Martin Ossima Ndong succède à Yves Ditengou. À 55 ans, ce pilote de formation qui a fait ses classes à l’École de l’Aviation de Chasse de Tours et à École militaire de l’air de Salon en Provence en France, devient le nouveau chef d’état-major du Gabon.
« Nous militaires, nous ne sommes pas parfaits, mais avons l’obligation d’être disciplinés, c’est pourquoi Excellence, je vous présente respectueusement nos excuses », déclare l’amiral Gabriel Mally Hodjoua à Ali Bongo le 14 février, lors d’une cérémonie rassemblant la haute hiérarchie militaire au palais présidentiel. Il s’agissait pour l’amiral de faire amende honorable, au nom de tous les hauts gradés, pour la faute de leur ancien chef. Le président gabonais a alors accordé son « pardon » aux officiers supérieurs.
Rappelons que si les relations entre la France et le Gabon sont historiquement étroites, Ali Bongo a fait un pas de côté en posant la candidature de son pays à l’entrée dans le Commonwealth. Tout en restant membre de la francophonie, ce geste a vocation à diversifier les partenaires du Gabon, voire à amorcer une émancipation vis à vis de Paris.
Teria News