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Gabon: Libreville se tourne vers le Commonwealth

Coup de canif dans la francophonie ? Le Gabon, pays pourtant francophone, ne cache plus son désir d’intégrer le Commonwealth. Après le Mozambique en 1995 et le Rwanda en 2009, le Gabon serait le troisième pays non anglophone à rejoindre l’organisation. Et s’il faisait des émules ?

De l’aveu d’Ali Bongo lui-même, rejoindre le Commonwealth marquerait un « tournant historique ». Ces mots du président gabonais font suite à une rencontre, le 11 mai, avec la secrétaire générale du Commonwealth, la baronne Patricia Scotland.

Officiellement, il était question pour Londres de s’assurer que Libreville respecte les critères de l’organisation en matière de droits humains et de démocratie. Il va sans dire que si le Rwanda, régime brutal, maintes fois épinglé pour ses atteintes aux droits de l’Homme, a été intégré en 2009, le Gabon d’Ali Bongo qui fait office d’enfant de cœur à côté du « pays aux mille collines », ne devrait pas avoir de difficultés à passer ce test. D’autant que pour se conformer à ces préoccupations britanniques, le Gabon a révisé son Code civil afin de consacrer l’égalité homme-femme et lutter contre les violences domestiques. Après Patricia Scotland, Ali Bongo a rencontré le prince Charles pour évoquer la signature par son pays de la charte du Commonwealth lors du prochain sommet de Kigali. Initialement prévu en juin, la rencontre a été reportée à une date ultérieure à cause de la pandémie de Covid-19.

Si intégré au sein du Commonwealth, un groupe de 54 pays rassemblant principalement les anciennes colonies britanniques, le Gabon fera de l’anglais sa seconde langue officielle après le français. Signe que le mouvement est amorcé, à l’issue de son entretien avec Boris Johnson le 20 mai dernier, c’est en anglais qu’Ali Bongo twittait « Great meeting and great discussion today in London with PM Boris Johnson » (« Formidable réunion et formidable échange aujourd’hui à Londres avec le Premier ministre Boris Johnson »).

Profiter du dynamisme anglophone

« De quoi diversifier nos partenariats et dynamiser nos perspectives de développement ».

Noureddine Bongo Valentin, coordinateur général des Affaires présidentielles

Le Gabon a ainsi entamé une accélération de son processus d’adhésion. L’idée n’est en effet pas nouvelle à Libreville. Dix ans se sont écoulés depuis les premiers pourparlers avec Londres.

Le dynamisme économique des pays anglophones n’est plus à démontrer. Et l’économie gabonaise, laminée comme d’autres sur le continent par le Covid-19, après avoir subit le choc de la chute des prix du pétrole en 2014, aurait bien tord de se passer du réseau du Commonwealth dans sa stratégie de relance. Cette adhésion serait une nouvelle corde à l’arc du Gabon suite au rapprochement d’Ali Bongo avec les pays asiatiques, dont la Chine.

Par ailleurs, l’ambition de faire du Gabon un État bilingue s’explique par le projet du pays de développer le secteur tertiaire dans le cadre de la diversification d’une économie jugée trop dépendante des revenus du pétrole, du bois et des minerais.

Fini la françafrique de papa?

Comme la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest, le Gabon est un des piliers de la françafrique dans la région centrale du continent. Sans que les « liens spéciaux » ne soient rompus, loin s’en faut, en diversifiant ses partenaires, Ali Bongo veut faire les choses différemment.

Après l’adhésion du Rwanda en 2009, alors que les relations entre Kigali et Paris étaient particulièrement exécrables, diplomatiquement, le rapprochement du Gabon avec le monde anglophone au nez et à la barbe de Paris fait office de provocation. Le signe d’un malaise dans la françafrique qui pourrait faire des émules.

Teria News

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