La CPI refuse d’indemniser Charles Blé Goudé qui poursuivait l’institution pour « erreur judiciaire ». Un nouveau coup dur pour l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo, entre temps délaissé par son mentor.
C’est l’oublié de la « réconciliation » ivoirienne faite de sourires et d’accolades pour le moins déconcertantes qui contribuent à discréditer des leaders politiques accusés par certains d’incarner le passé de la Côte d’Ivoire alors que le pays a besoin de se tourner vers l’avenir. La jeunesse notamment crie à la farce en aspirant à un renouvellement de la classe politique et surtout, à une mise à l’écart du trio formé par Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo qui monopolise le pouvoir depuis 30 ans.
Abandonné par son mentor qui a pu lui regagner la Côte d’Ivoire en juin 2021, Charles Blé Goudé incarnait pourtant la relève. Certains murmurent que sa disgrâce est précisément due à ses ambitions présidentielles, Laurent Gbagbo n’ayant pas l’intention de faire de place à qui que ce soit sur le chemin qui mène au fauteuil présidentiel.
En attendant, le « fils maudit » à qui les autorités ivoiriennes n’ont toujours pas délivré de passeport, vient d’essuyer un nouveau revers. En effet, ce jeudi 10 février, la Cour Pénale Internationale (CPI) a rejeté sa demande d’indemnité compensatoire. Charles Blé Goudé réclamait « la somme de 819 300 euros (536 641 500 francs CFA) ou à titre subsidiaire (…) la somme de 381 900 euros (250 144 500 francs CFA) pour l’erreur judiciaire qu’il a subie ».
« La Chambre a conclu que les actions de l’Accusation ne sont pas constitutives de poursuites abusives et qu’il n’a pas été démontré qu’une autre forme d’erreur judiciaire grave et manifeste avait été commise. Par conséquent, la demande d’indemnisation de M. Blé Goudé a été rejetée »
Communiqué de la CPI
Regrettant la décision de la Cour, l’équipe de défense de Charles Blé Goudé maintient que « les dommages irréversibles pour monsieur CBG et sa famille du fait de cette situation demeurent objectivement incontestables et l’histoire en restera témoin à jamais ».
Mise en échec par la défense de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, mais aussi par celles de Jean-Pierre Bemba et Uhuru Kenyatta, la CPI qui fait face à un déficit de crédibilité historique, a-t-elle souhaité s’épargner une nouvelle humiliation ? Si tel était le cas, le rejet de la requête de Charles Blé Goudé est le signe sa résistance à toute réforme, pourtant gage de d’une éventuelle renaissance. En l’absence de changements profonds, la Cour de La Haye est à terme, promise à une mort lente.
L’avenir de Charles Blé Goudé est pris en étau. Entre d’une part, le régime Ouattara qui craint les qualités de meneur d’homme de l’ancien chef des Jeunes patriotes, d’où peut-être le retard dans la délivrance de son passeport, une procédure qui entre dans son 7e mois alors qu’elle est sensée ne durer que 72 heures; et d’autre part, son « père » Laurent Gbagbo. Les deux camps le perçoivent comme une menace à leurs ambitions respectives.
À cet égard, le sort de Charles Blé Goudé ressemble à celui de Guillaume Soro. Anciens camarades de bancs et leaders estudiantins, les trajectoires des deux hommes sont tentôt parallèles, tantôt croisées. Parallèles lors de la crise électorale de 2010-2011 lorsque chacun servait un « père » rival, Laurent Gbagbo pour l’un, Alassane Ouattara pour l’autre. Croisées à l’université et à nouveau aujourd’hui où les deux leaders, reniés par leurs mentors, subissent, du fait de leur exil et de leur disgrace, une errance physique et politique. Feront-ils alliance? La question est sur beaucoup de lèvres.
Rappelons que Charles Blé Goudé a été condamné par contumace à 20 ans de prison pour des « actes de torture, homicides volontaires et viol ».
Teria News
