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Antony Blinken en Afrique : les États-Unis ont perdu leur voix

« Cause toujours » dit Muhammadu Buhari à Antony Blinken. Symptomatique du déclin des États-Unis, la voix du Secrétaire d’État américain s’est enrouillée au Nigeria. Plus question pour Muhammadu Buhari de recevoir des leçons d’une Amérique qui ne fait plus peur à personne.

Malgré plusieurs déclarations d’amour, l’Afrique est le dernier continent à être visité en 11 mois de présidence Biden. Le 46e président américain fait mieux que Donald Trump dont le Secrétaire d’État ne s’était rendu en Afrique que la dernière année de sa présidence. En froid avec Abuja concernant sa gestion des conflits inter-religieux, Mike Pompeo avait alors esquivé le Nigeria, placé sur la liste noire des pays violant la liberté de religion, sous la pression du lobby évangéliste. C’est désormais de l’histoire ancienne, Abuja a été réhabilitée par l’administration Biden.

Démocratie, changement climatique et lutte contre le Covid-19, Antony Blinken a construit sa tournée africaine en trois étapes : Kenya, Nigeria et Sénégal.

Un leadership mondial écorné

L’Amérique ne fait plus peur à personne et n’est plus en mesure de donner des leçons. Sur la brutalité policière, mise en lumière par le mouvement « End SARS », c’est avec timidité qu’Antony Blinken a appelé à une réforme des forces de sécurité, l’onde de choc de l’affaire George Floyd ayant achevé de discréditer les États-Unis sur l’éthique de ses propres services de police. « Nous attendons la réponse de l’État et du gouvernement fédéral aux conclusions de l’enquête et espérons qu’elle comprendra des mesures visant à garantir la transparence et à répondre aux doléances des victimes et de leurs familles », a déclaré Antony Blinken. Mais que ce soit sur le fond ou sur la vitesse des réformes, le Nigéria n’a pas de comptes à rendre à l’Amérique, comme l’a subtilement signifié Muhammadu Buhari. « Au niveau fédéral, nous devons attendre les mesures prises par les États et permettre au système de fonctionner. Nous ne pouvons pas leur imposer des idées », a répondu le président nigérian.

La visite d’Antony Blinken est intervenue au lendemain de la publication d’un rapport produit par une commission indépendante, sur les violences policières au Nigeria. Mise en place par le gouverneur de Lagos, il confirme les dénonciations de la société civile sur le massacre du péage de Lekki, point d’orgue macabre du mouvement « End SARS ».

Un partenariat sécuritaire grippé

Contestant l’engagement du Nigeria à combattre l’insurrection de Boko Haram et d’Iswap, le Congrès américain a retardé la vente au Nigeria de 12 hélicoptères d’attaque américains Cobra. Même si Abuja s’est vue livrer des avions d’attaque au sol Super Tucano, les sanctions et réserves américaines ont ouvert une brèche à la Russie, qui en a profité pour renforcer son partenariat dans le secteur de la défense avec le Nigeria, notamment avec la signature d’un accord de coopération le 23 août dernier lequel, «fournit un cadre juridique pour […] la prestation de services après-vente, la formation du personnel […] et le transfert de technologie, entre autres», a expliqué la diplomatie nigériane.

Encore un terrain délaissé par les occidentaux qui consolide l’ancrage de Moscou en Afrique via son expertise militaire, le continent représentant à ce jour 30% à 40% de ses exportations d’armements, selon les autorités russes. C’est que les problèmes sécuritaires du Nigéria sont multiples. Outre le terrorisme islamiste, le pays doit faire face aux exactions d’autres bandes criminelles, à des tensions inter-religieuses entre chrétiens et musulmans mais aussi entre chiites et sunnites musulmans, des affrontements entre éleveurs et agriculteurs, des mouvements indépendantistes (principalement Igbo au sud-est du Nigeria) et à la piraterie au large de ses côtes.

Antony Blinken a de plus exhorté le Nigeria à prendre le leadership continental sur les questions sécuritaires, au premier rang desquelles, la guerre civile en Ethiopie et la crise politique au Soudan. « Nous soutenons fermement l’engagement, le leadership et la voix forte du Nigeria », a déclaré Secrétaire d’État américain lors d’une conférence de presse dans la capitale Abuja.

Par ailleurs, en plus d’un partenariat en faveur de l’action climatique, Antony Blinken a appelé au respect des droits humains.

Si la Chine est l’obsession américaine de ce début de XXIe siècle, elle ne l’est pas pour le Nigeria. Ainsi, c’est en vain qu’Antony Blinken a tenté d’embarquer Abuja dans sa croisade contre l’influence de Pékin. Loin d’une menace, la Chine est une « grande opportunité », a estimé le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama.

Teria News

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