Quelques jours après le Mali, lundi, la France a suspendu sa coopération militaire avec la Centrafrique, mais également gelé son aide budgétaire au pays. Sur fond de rivalité avec la Russie, Paris accuse Bangui de ne pas tenir ses engagements politiques et d’orchestrer une campagne anti-française.
Deux désengagements majeurs du ministère français des Armées sur le continent en l’espace de quatre jours. Après avoir suspendu des opérations militaires conjointes avec l’armée malienne jeudi 3 juin, lundi 7 juin, la France annonce suspendre sa coopération militaire avec la Centrafrique et geler son aide budgétaire au pays.
Désengagement justifié par le « sentiment anti-français »
Paris se justifie en affirmant qu’à « plusieurs reprises, les autorités centrafricaines ont pris des engagements qu’elles n’ont pas tenu, tant sur le plan politique envers l’opposition que sur le comportement vis-à-vis de la France, qui est la cible d’une campagne de désinformation massive en Centrafrique » . Les autorités françaises estiment que si la Russie n’est pas étrangère à cette dite campagne de dénigrement, « les Centrafricains sont au mieux complices de cette campagne ». Par ailleurs, selon le journal en ligne Mediapart, la France a stoppé ses formations militaires dispensées aux soldats centrafricains positionnés au Gabon.
Faut-il y voir un lien avec l’arrestation en mai, du mystérieux Juan Rémy Quignolot? Cet ancien soldat français a été présenté par les autorités centrafricaines comme un mercenaire français et comme la preuve du double jeu (d’un côté la déstabilisation, de l’autre l’appui sécuritaire) que joue Paris en Centrafrique.
Toutefois, les quelques 300 soldats français, dont les casques bleus déployés dans le cadre de la Minusca et les soldats de la mission d’entraînement de l’Union européenne en Centrafrique sont maintenus sur le sol centrafricain. De plus, l’aide humanitaire estimée à 6 millions d’euros continuera d’être distribuée. En revanche, les soldats répondant directement au commandement français ne coopéreront plus avec l’armée centrafricaine.
Rivalité avec la Russie
La coopération militaire entre la France et la Centrafrique a été étroite et quasi exclusive (guerre civile de 2013 à 2016) jusqu’à l’entrée en jeu de la Russie. Moscou a en effet envoyé des centaines d’instructeurs pour conseiller, former et équiper l’armée centrafricaine. Face à une rébellion surarmée, l’armée centrafricaine est réduite à l’impuissance par l’embargo sur les armes imposé par la France via le Conseil de sécurité de l’ONU. En 2018, jugeant que Paris sabote ainsi les efforts de reconquête de son territoire, le gouvernement du président Touadera s’est tourné vers la Russie.
Officiellement, les experts militaires russes sont au nombre de 535, officieusement, on en compte plus d’un millier en ajoutant les mercenaires de la société militaire privée russe Wagner. En échange de leur appui, la Centrafrique accorde aux entreprises russes des licences d’exploitation minière (or, diamants uranium).
Cette influence et ces ressources provoquent une lutte de pouvoir entre Paris et Moscou. Dans une interview publiée dimanche 30 mai dans un journal français, Emmanuel Macron a évoqué le sentiment anti-français en Centrafrique, instrumentalisé, selon lui, par Wagner. « Ce discours anti-français permet de légitimer une présence de mercenaires prédateurs russes au sommet de l’État avec un président Touadéra qui est aujourd’hui l’otage du groupe Wagner », a-t-il déclaré.
Globalement, en Centrafrique comme au Mali, ces retraits sont salués par les populations qui considèrent la présence militaire française comme une force d’occupation prétextant lutter contre l’insécurité et le terrorisme pour piller les ressources des deux pays.
Teria News