Ce mardi, le colonel Assimi Goïta, vice-président de la transition, et chef du Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) a fait lire à la télévision un communiqué dans lequel il déclare avoir placé le président et le Premier ministre de transition « hors de leurs prérogatives ». Il dit avoir été « dans l’obligation d’agir » face à leur tentative de « sabotage ».
Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage. Officiellement dissout, le CNSP a repris du service lundi 24 mai avec la prise en otage du couple exécutif de transition. « Préserver la charte de la transition et défendre la République », voilà la mission sacrée au nom de laquelle le colonel Assimi Goïta, chef de la junte et vice-président de la transition, a démis Bah NDaw et Moctar Ouane de leurs fonctions. Les deux hommes sont accusés de ne pas avoir gagné la confiance des partenaires sociaux et d’être responsables de la grève illimitée qui paralyse actuellement le Mali.
Mais signe que la junte veut garder la main sur les leviers du pouvoir, le vrai péché du désormais ancien exécutif de transition est surtout l’éviction des deux piliers du CNSP que sont les colonels Sadio Camara et Modibo Koné des portefeuilles de la Défense et de la Sécurité. Loin du pouvoir donc, mais aussi loin des rétro commissions sur les contrats d’armement…. Assimi Goïta a explicitement reproché à Moctar Ouane d’avoir constitué la liste de son nouveau gouvernement, « en accord avec le président de transition » mais « sans concertation avec le vice-président », c’est-à-dire lui-même, alors que la charte de transition le désigne comme garant de la défense et de la sécurité du pays.
De nombreuses zones d’ombre
Les termes ne sont pas clairs. Placés « hors de leurs prérogatives », le président et le Premier ministre sont-ils destitués ou temporairement suspendus? En attendant, qui dirige le pays ? Est-ce de facto le colonel Assimi Goïta ? Ce qui serait une violation de la charte de transition. Doit-on s’attendre au remplacement des deux hommes ? C’est à toutes ces questions cruciales que les négociations en cours devront répondre.
Condamnations internationales
Son médiateur en route pour Bamako, la Cédéao et l’Union africaine ont condamné dans un communiqué conjoint « un acte d’une gravité extrême », tout en appelant à « privilégier l’esprit de dialogue » « pour régler les malentendus autour de la mise en place du gouvernement. » Même tonalité du côté du Comité local de suivi de la transition. Rassemblant la Cédéao, l’Union africaine, la Minusma, mais aussi la France, l’Union européenne et les États-Unis, il s’est réuni en urgence lundi.
Mais quelle est la légitimité de ces acteurs, en particulier de l’Union africaine après avoir décidé, le 14 mai dernier, de ne pas prendre de sanction contre le Tchad après le coup d’État du Conseil militaire de transition (CMT) ? Et quelle est celle de la France après s’être empressée d’adouber Mahamat Déby à la tête du CMT le 20 avril passé et de valider un coup d’État institutionnel ? Pis, la jurisprudence du Tchad établie par l’attitude de Paris et Addis Abeba, foulant aux pieds tout principe démocratique, a probablement servi pour le moins d’encouragement à la junte malienne. Au nom de l’Union européenne, Emmanuel Macron annonce la prise de « sanctions ciblées » contre un « coup d’Etat inacceptable ».
60 ans après les indépendances, le Mali, perdu dans des vicissitudes de gouvernance, retourne sans cesse à la case départ.
Teria News