AfriquePolitique

Mahamat Déby chez Vladimir Poutine : de l’eau dans le gaz de la Françafrique ?

En visite à Moscou mercredi 24 janvier, Mahamat Déby évoque « un pays frère » avec qui il désire « renforcer les relations bilatérales ». Dernier allié de la France au Sahel, avec ce rapprochement Mahamat Déby joue sa survie politique à quelques mois de l’élection présidentielle. Impopulaire, le président de Transition doit se détacher de l’image de « marionnette » de la France, fatale à ses homologues sahéliens, balayés par des coups d’État militaire.

Dernier partenaire de la France au Sahel, Mahamat Déby a rendu une visite de courtoisie à Vladimir Poutine. Géopolitique, la portée de la rencontre du 24 janvier signe la montée en puissance de la Russie dans la région, influence que même le Tchad francophile de Mahamat Idriss Déby doit reconnaitre. Encerclé par la Centrafrique, la Libye, le Soudan et le Niger, lesquels ont tous resserrés leurs liens avec Moscou ces derniers mois, Mahamat Déby ne peut se permettre d’entretenir des relations houleuses avec le Kremlin.

La Russie, désormais incontournable acteur au Sahel

« Je suis venu en tant que pays ami, un pays frère, un pays souverain (qui veut) renforcer ses relations avec un pays ami ». Arrivé tard à Moscou mardi 23 janvier, le général Déby voit dans cette visite, initiée par Vladimir Poutine, l’occasion de « renforcer les relations bilatérales » entre le Tchad et la Russie.

Vladimir Poutine l’a, pour sa part, félicité pour avoir « réussi à stabiliser la situation » au Tchad et affirmé que la Russie y « contribuerait par tous les moyens possibles ». Les relations entre le Tchad et la Russie « se sont particulièrement développées ces dernières années », s’est-il félicité.

Relations de bon voisinage certes, mais aussi diversification des partenariats à l’heure où la France sent le soufre en Afrique. D’autant, que le Tchad se prépare, d’ici la fin de cette année 2024, à élire son prochain président de la république dans un contexte de rejet de la présence militaire française au Tchad, terre de replis des contingents expulsés par Bamako, Ouagadougou et plus récemment, Niamey dans le cadre de crises diplomatiques historiques avec les anciens partenaires sahéliens de Paris, aujourd’hui membres de l’Alliance des Etats du Sahel. Plusieurs mouvements de la société civile tchadienne réclament, à leur tour, le départ des troupes hexagonales et leur plaidoyer devrait prendre de l’ampleur à l’approche du scrutin présidentiel.

Gagner en stature présidentielle en se détachant de Paris

En amont de ce calendrier électoral, Mahamat Déby a, le 13 janvier dernier, été investi candidat à la présidentielle par son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS). Or, la gouvernance du fils d’Idriss Déby, disparu dans des circonstances troubles en avril 2021, est toujours entachée par son accession au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat institutionnel, ainsi que ne cesse de le dénoncer l’opposition. Une succession dynastique qui entame sa légitimité à la tête de l’Etat tchadien, à laquelle se sont ajoutés le non-respect de la parole donnée et une répression sanglante. En effet, suite au décès de son père, Mahamat Idriss Déby a été désigné président de Transition pour une période initiale de 18 mois, renouvelable une fois et s’était engagé à ne pas de présenter aux élections appelées à clôturer ce régime d’exception.

Toutefois, à l’issue d’un Dialogue National Souverain et Inclusif boycotté par une partie de l’opposition, Mahamat Déby a obtenu une prolongation de 24 mois ainsi que la possibilité de se présenter aux élections devant permettre un retour à « l’ordre constitutionnel ». Un accord dénoncé par l’opposition alors menée par Succès Masra, leader du parti les Transformateurs. Aujourd’hui Premier ministre, ce dernier avait alors mené une fronde, brutalement réprimée par les autorités tchadiennes lors du Jeudi noir soldé par plus de 300 morts.

Impopulaire, Mahamat Déby doit se détacher de l’image de « marionnette » de la France, fatale à ses homologues sahéliens, balayés par des coups d’Etat militaire entre aout 2020 et juillet 2023. Alors que la France sent le soufre en Afrique, feindre une proximité avec Vladimir Poutine permet de gagner en stature. Un rapprochement qui peut, de surcroit, avoir été amorcé avec l’aval résigné de Paris, conscient des limites de son aura en Afrique et ainsi, de ses capacités à maintenir un ordre dynastique.

Teria News

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page