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Centrafrique : offensive diplomatique des États-Unis contre Wagner

Les États-Unis se plient en quatre pour évincer Wagner de la Centrafrique. En plus de mettre la main au portefeuille, Washington offre son expertise sécuritaire au régime Touadéra pour pousser Bangui à rompre ses liens avec la société paramilitaire russe. Un vote de défiance contre la France, incapable de contenir l’expansion de Moscou dans son ancienne sphère d’influence.

Américains et Russes se regardent en chien de faïence depuis des décennies, rien de nouveau. Mais cette rivalité géopolitique a connu plusieurs phases d’intensité variable à travers le temps, avec un pic historique durant la Guerre froide. Depuis, l’implosion de l’Union soviétique et la chute de la puissance russe s’est accompagnée d’un désinvestissement des terrains d’affrontement par proxy avec Washington, dont l’Afrique. Mais voilà, les années 2010, en particulier la crise syrienne ont marqué un retour diplomatique et militaire de Moscou sur la scène internationale. À nouveau en mesure de tenir tête aux États-Unis, le Kremlin ne s’est pas contenté de consolider ses appuis stratégiques au Moyen-Orient, mais a également pris racine sur le continent africain. Profitant des faux pas occidentaux, en l’espèce de la France à laquelle Washington avait sous-traité l’Afrique pendant la Guerre froide, la Russie l’évince progressivement de ses anciens pré-carrés en tant que partenaire sécuritaire de pays en proie à des insurrections armées de diverse nature.  

Les États-Unis reprennent la main des Affaires africaines

Opérant un « grand remplacement impérialiste », l’Oncle Sam a depuis repris les rênes dans la région des Grands Lacs où aucun mouvement de pion ne se fait sans son aval et pourrait, devant l’impotence de Paris, étendre son influence à la Centrafrique, au nord-ouest de sa sphère d’influence continentale. Surveillé de près par Washington dès les premiers rapprochements, l’axe Bangui-Moscou inquiète davantage les États-Unis depuis l’offensive russe en Ukraine et les succès diplomatiques engrangés par Moscou en Afrique.  

Pour la Maison Blanche, contenir l’expansion de Wagner, armée de l’ombre du Kremlin, est désormais une priorité. D’autant que d’autres pays comme la République démocratique du Congo ou le Cameroun sont tentés par la société de mercenariat russe et que les bourdes accumulées par la France, précipitant son inexorable déclin en Afrique, en font un allié de moins en moins fiable. Les États-Unis entendent donc protéger leur sphère d’influence à la faveur d’un réembrasement de la Guerre froide.

Opération de charme envers le régime Touadéra

Selon le quotidien Le Monde et plusieurs autres médias internationaux, les États-Unis auraient proposé à la Centrafrique de former son armée et d’augmenter son aide humanitaire au pays en échange de la rupture du contrat qui lie Bangui à Wagner. Washington aurait remis cette proposition, sous forme de mémo, au président Touadéra lors du sommet États-Unis – Afrique organisé en décembre 2022, précise Le Monde.

Devant l’écho reçu par ces informations, les autorités concernées se sont empressées de les démentir. « Les gens parlent beaucoup de ce qu’ils ne savent pas », a réagi la ministre centrafricaine des Affaires étrangères. Sylvie Baïpo-Temon reconnait toutefois une nouvelle dynamique dans les relations entre Bangui et Washington où la ministre s’est elle-même rendue à de nombreuses reprises au cours des derniers mois. Les États-Unis « respectent la souveraineté de la RCA », a pour sa part déclaré la représentation diplomatique américaine à Bangui sur les réseaux sociaux, ajoutant par ailleurs que les rumeurs d’ultimatums et de fermeture de l’ambassade sont fausses. Mais l’information principale avait déjà été confirmée par Fidèle Gouandjika, le ministre conseiller du président Touadéra.

« Le président de la République a reçu des mains du président des Etats-Unis un mémorandum. Et ça, tout le gouvernement le sait, nous le savons. Nous avons un accord de défense avec la Russie et aucun pays au monde, qu’ils soient première puissance mondiale, deuxième ou troisième puissance mondiale, ne peut venir nous dire : Eloignez-vous de ce pays. Non, les Etats-Unis, c’est une première puissance économique. La Russie, c’est une première puissance militaire. »

Fidèle Gouandjika, le ministre conseiller du président Touadéra

Ajoutons que devant l’expansion de Wagner, accusé par l’Occident de soutenir des groupes armés au Soudan et au Tchad, les États-Unis ont adopté de nouvelles sanctions contre la société de Evguéni Prigojine. Washington a ainsi décidé du gel des avoirs que le groupe paramilitaire pourrait détenir aux États-Unis.

Teria News

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