Le saviez-vous ? L’original de l’acte d’indépendance de Haïti est actuellement conservé aux Archives nationales du Royaume-Uni. Port-au-Prince en a fait la « demande » expresse à Londres. Voici l’histoire rocambolesque de l’acte de naissance de la « première république Noire indépendante ».
Présentement conservée par les Archives nationales d’Angleterre, la version originale de l’acte d’indépendance de Haïti a fait l’objet d’un processus de rapatriement. Incongruité historique, le document, essentiel à la défense et l’affirmation de l’identité de Haïti, a été réclamé par la ministre des haïtienne Affaires Étrangères, Dominique Dupuy au cours de sa visite à Londres le 13 septembre dernier.
L’histoire rocambolesque d’un document, pilier de la construction nationale d’Haïti
L’acte d’indépendance de l’île a été rédigé dans la nuit du 31 décembre 1803 par Louis Boisrond-Tonnerre. Proclamée le lendemain, 1er janvier 1804, l’indépendance de Haïti a résonné comme un coup de tonnerre dans un monde marqué par les mécanismes de domination et d’oppression du suprémacisme blanc, au premier chef desquels, l’esclavage.
Le 18 novembre 1903, après la défaire de l’armée napoléonienne à Vertières, vaincue par les esclaves rebelles haïtiens, les survivants au sein des troupes françaises ont été emprisonnés par les Britanniques, la rivalité historique entre les deux puissances ayant joué en faveur de l’île. Aurait alors été remis au gouverneur britannique de la Jamaïque, cet acte de naissance de la république haïtienne. S’agissait-il d’une des copies originales d’un document que certains historiens considèrent avoir été rédigé en plusieurs exemplaires ? Reste que l’île a bel et bien conservé au moins un de ces documents originaux mais leur sort est incertain. Les hypothèses émises par les historiens évoquent leur perte due à l’instabilité politique et à l’insécurité de l’île. L’exemplaire transmis au gouverneur de la Jamaïque a lui, en revanche, été transmis au Royaume-Uni dès mars 1804. C’est ce dernier qui a été conservé depuis deux siècles par Londres et l’est aujourd’hui par les Archives nationales du pays.
L’acte a été redécouvert en 2010 à Londres par Julia Gaffield. Alors doctorante, cette étudiante américaine qui effectuait des recherches à l’université de la Jamaïque de Kingston, y a d’abord découvert une copie manuscrite du document qui l’a conduite à l’original, dans la capitale britannique.
Haïti, libérateur des Amériques
Par cet acte de courage, souveraineté et dignité Noire, Haïti est devenue une référence, pour tous les peuples opprimés épris de liberté. Mais aussi un espoir à tuer pour les colons.
La suite leur donna raison… Selon la théorie de l’effet domino, la souveraineté d’Haïti a déclenché un processus d’émancipation de toute l’Amérique du Sud, alors aux mains du colon espagnol. Simon Bolivar, dont la figure a traversé l’histoire comme grand libérateur de l’Amérique latine, doit le succès de ses reconquêtes à Haïti, à l’époque unique République libre d’Amérique latine et des Caraïbes. Le président d’alors, Alexandre Petion, a en effet accordé l’aide de son pays à Simon Bolivar, sous une condition toutefois : qu’il abolisse l’esclavage dans la nouvelle république qu’il fonderait. Quelques années plus tard, fort de sa victoire sur le colon espagnol dans toute la région, Bolivar se proclame président de la Colombie, du Venezuela, du Panama, de l’Equateur, du Pérou et de la Bolivie mais trahit sa promesse à Petion, en maintenant ses troupes Noires, qui représentaient 60% des soldats ayant combattu à ses côtés, dans les liens de l’esclavage pendant encore 40 années.
Haïti a payé et paie toujours un prix élevé pour son leadership. Après sa proclamation d’indépendance, la « Perle des Antilles » a été maintenue sous le joug néocolonial. Celui d’une « double dette » estimée à plus de 560 millions de dollars (New York Times) par la France. Puis celui de l’occupation par les États-Unis d’Amérique de 1915 à 1935. Aujourd’hui, l’île qui subit toujours les conséquences, en matière de développement, du manque à gagner qu’a constitué la dette payée à la France. Port-au-Prince connait également une grave crise sécuritaire due à la prolifération des gangs et de gouvernance, causée par la corruption des élites et l’ingérence de puissances étrangères.
Teria News