« Ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui ont tué Haïti », affirme Emmanuel Macron. Le président français a réagi après avoir été interpellé sur la politique haïtienne en marge du G20 organisé par le Brésil.
Emmanuel Macron se rendait au quai Valongo, un site archéologique de Rio, lorsqu’un passant l’a interrogé sur la politique haïtienne. « Ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui ont tué Haïti », lui a alors répondu le président français. Des propos qui font polémique et ajoutent à la défiance des populations haïtiennes envers les partenaires occidentaux de Haïti, en particulier la France. Paris est en effet accusé d’avoir puni la première République noire indépendante en 1804 dans le contexte de l’esclavage de s’être libérée du joug français en maintenant la tête du pays sous l’eau, notamment via une « indemnité compensatoire » ignominieuse.
Le « néocolonialisme par la dette », écrit l’économiste Français Thomas Piketty
« Les paiements à la France ont coûté à Haïti entre 21 et 115 milliards de dollars en perte de croissance économique […] Une spirale d’endettement qui a paralysé le pays pendant plus d’un siècle »
New York Times
En 2022, une enquête des journalistes du New York Times, menée pendant treize mois et publiée par étapes en mai, a révélé l’ampleur du pillage de la « Perle des Antilles » par la France, puis par les États-Unis d’Amérique.
En effet, vingt and après son indépendance, la France a imposé à Haïti un ultimatum : verser à l’ancienne métropole des réparations pour la perte de son contrôle de l’île ou entrer en guerre contre l’Hexagone. Sans alliés, Haïti consent alors à verser 150 millions de francs, en cinq tranches annuelles à la France pour maintenir son indépendance. Somme astronomique pour l’île, elle ne sera couverte qu’à travers des prêts que la France contraint Haïti à contracter auprès de banques françaises pour s’acquitter du premier versement. Ce premier emprunt enclenchera un cycle infernal d’intérêts, appelée par les historiens, la « double dette ». Le New York Times estime le total des montants versées à 560 millions de dollars (valeur actualisée).
De plus, en 1880, la France crée la Banque nationale d’Haïti, qu’elle contrôle via des investisseurs privés Français. Le gouvernement haïtien ne peut ni y verser, ni y déposer des fonds, sans verser de commissions. La Banque a également affaibli Haïti avec des prêts et volé des dizaines de millions de francs au pays.
L’invasion des États-Unis
Après avoir raflé le contrôle de la Banque nationale d’Haïti aux Français, des soldats Américains envahissent Haïti à l’été 1915, prétextant que l’île est trop pauvre et trop instable pour assurer sa propre indépendance. En dix ans, « un quart du revenu total d’Haïti est parti en remboursement de dettes contrôlées par la National City Bank », indique le New York Times. Les troupes américaines sont contraintes de quitter le pays en 1935 devant l’indignation suscitée par leur présence et par le traitement infligé à la population haïtienne, notamment soumise au travail forcé. Mais treize années supplémentaires d’intérêts seront versées à des banques américaines.
Après la démission forcée de l’ancien Premier ministre d’Haïti Ariel Henry, sous la pression de la rue en mars dernier, le pays est dirigé par un Conseil présidentiel de transition (CPT) de neuf membres. Installé sous l’influence des États-Unis, de la France et du Canada, sa composition, reflet de l’ordre économique oppressif et illégitime de l’île, fait polémique.
Début novembre, le « premier » Premier ministre issu de cette instance, Garry Conille, a été évincé par le CPT après seulement cinq mois de gouvernance, au profit de l’homme d’affaires Alix Didier Fils-Aimé. Une « décision absurde » pour Emmanuel Macron. « Ils sont complètement cons », a-t-il ajouté en commentant ce limogeage. Ses propos ont suscité une polémique dans le pays qui subit les conséquences de la « double dette », la violence des gangs armés et la corruption de ses élites. Une coalition d’une vingtaine d’ONG estime que la France doit plus de 100 milliards de dollars à l’île des Caraïbes. Les groupes ont exprimé leur appel lors d’un forum de l’ONU à Genève en avril.
Teria News